Chapitre 33 / Découvrir l'autre

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Allons bon. Elle pensait avoir fait le tour, pourtant. Lupita se rassit promptement et attrapa la tasse à café. Quitte à rester, autant en profiter pourboire cet excellent breuvage qu'elle huma en souriant. Ça sentait le café hors de prix...

— Vous oubliez que nous devons connaître un minimum de chose l'un sur l'autre. Histoire de ne pas s'embrouiller.

— Vu que vous allez m'inventer un nouveau personnage, je pensais que vous m'enverriez un genre de récap sur moi et vous. J'ai une excellente mémoire et...

— Pour ce qui me concerne, voici le récapitulatif fait par M. Park, dit-il en faisant glisser un document vers elle, sur la table basse qui les séparait.

— M.Park... qui est votre demi-frère. Vous l'appelez toujours par son nom ?

— Uniquement dans le cadre du travail. Et... Peu importe. Jung est mon assistant.

— Et votre demi-frère. C'est important, parce que vous avez l'air proche et en même temps...

— Mlle Jones, notre relation ne nécessitera pas que vous ayez besoin de ce genre d'information.

— Ok. En gros, il suffit que je me contente de sourire et d'opiner du chef quand ce sera nécessaire. Ça me va aussi. Mais attendez-vous à un fiasco rapide, parce que votre grand-père a la réputation d'être très pointilleux. La précision me parait essentielle. Alors peut-être que jouer la greluche amoureuse qui connaît votre CV par cœur fera l'effet escompté dans les soirées, mais au sein de votre famille, j'ai un doute.

Darius soupira. Il avait hâte de se débarrasser de la jeune femme, et en même temps, il savait qu'elle avait raison. Il commençait à entrevoir le pétrin dans lequel il avait mis les pieds. L'idée lui traversa l'esprit d'accepter la première prétendante proposée par Deimos. Puis il se rappela les paroles de Jung et d'Iseul. Lui aussi avait droit à l'amour. Et pour ça, il lui fallait du temps. Du temps, c'est ce que Lupita Jones allait lui offrir. Il devait faire les choses bien pour que ça fonctionne.

Il s'adossa mieux au fauteuil dans lequel il s'était assis, avala une gorgée de son excellent café et commença à raconter l'histoire de sa famille, et les liens qui l'unissaient à celle de Jung. Son interlocutrice ne pipa mot pendant le bref récit qu'il fit. Elle écoutait, attentive aux détails qu'il voulait bien lui fournir, et ceux qu'il occultait, volontairement ou non. Quand il eut fini, Lupita se redressa et posa sa tasse sur la table.

— Et ben ! C'est pas simple... Mais je crois avoir compris l'essentiel. Juste une chose. Cette Mme Kang... votre grand-mère surnuméraire, elle a l'air perspicace... Est-ce qu'elle va être aussi problématique que Deimos ?

— Sans doute, mais dans un autre style. Iseul a toujours eu tendance à nous protéger, moi et mes frères et sœur. Il faudra s'attendre à des questions bien précises, qui appelleront des réponses tout aussi précises. Pour ce rendez-vous-là, il faudra une petite préparation avant.

— Une cession d'essai ?

— Oui. Avec Jung. Il sera d'une grande aide.

— Quand je pense qu'il voulait lui faire croire que j'étais sa petite amie ! Ça n'aurait jamais fonctionné... Tiens, d'ailleurs, il a trouvé quelqu'un d'autre ?

— Non. Pas à ma connaissance. Il a cru que le décès de mon père pourrait le dispenser de s'occuper de ce problème, mais manifestement, il va devoir de nouveau chercher. Il va sans doute finir par demander à l'une des mannequins qui travaillent pour sa boite.

Lupita n'ajouta rien. Le cas de Jung n'était plus son problème après tout. Elle se leva en attrapant son sac.

— Bon, je vais y aller, maintenant.

— Popopop. Je vous ai raconté ma vie. À vous.

— Mais je croyais que vous deviez m'en inventer une autre ? Et puis, vous avez mon dossier d'employée.

— Le dossier que la société a sur vous est assez mince et ne dispose que du strict minimum. Si nous devons vous inventer une vie, il faut que deux ou trois trucs collent avec la vraie, de manière à ne pas dénaturer le personnage. Si je dis que vous êtes née en Suède, ça soulèvera des questions supplémentaires.

— Rapport à la couleur de peau, vous voulez dire ?

— Rapport à votre personne en général. J'ai besoin de précisions.

— Quel genre ?

— Vos parents d'où ils viennent ? Comment ils se sont rencontrés ? S'ils vivent encore ensemble ? Où ? Votre enfance ? Vos amis ? Vos loisirs ?

— J'ai compris, mais je ne pense pas que vous ayez besoin d'autant d'informations pour m'inventer un profil valable.

— Ça n'est pas vous qui disiez que Deimos était pointilleux.

— Oui, bon... je vous ferai un topo général ce week-end. C'est bon ?

— Hum, ce sera un peu juste. Ce soir. Vous le faites ce soir et me le remettez demain. Je m'occuperai de la carte de paiement pour vos achats de ce week-end. Je pense que Deimos organisera une rencontre dès le week-end suivant.

— Le week-end suivant... commença Lupita en regardant son agenda sur son smartphone... Oh ! non ! Impossible ! J'ai une convention !

— Une convention ?

— Oui. Une convention. J'ai préparé un super cosplay de Dark Soul. Je ne peux pas manquer ça ! Tous mes potes y seront !

Darius fixait Lupita avec de grands yeux étonnés. Pour un peu, il aurait ouvert la bouche de stupeur. Putain ! Mais qu'est-ce qui lui avait pris de proposer le marché à cette fille ! Une nerd ! Mais qu'est-ce qui lui avait pris ?! Ah ! Si, il savait ! Quand il avait accepté que Magnus lui mette Deimos Yannopoulos dans les pattes, il n'avait pas songé qu'il devrait le contrer d'une autre manière que professionnelle. Et maintenant, il en était là. Il pressa ses doigts sur ses paupières pour tenter de maîtriser la colère qui montait, la lassitude aussi.

— Mlle Jones ! Je me fous de votre Cosmachin-chose et de votre convention ! Si j'ai besoin de vous, vous rappliquez ! C'est dans le contrat ! Et vu les sommes que je vais claquer pour le service que je vous demande, j'estime que vous pouvez faire un effort ! Et j'espère que vous avez d'autres loisirs ! Sinon, il va falloir vous en dégotter un fissa ! s'exclama-t-il en se levant.

— C'est facile de dire ça ! Moi, j'ai une passion au moins ! dit-elle en se levant aussi pour lui faire face.

— Moi aussi j'en ai. Mais j'ai dû les laisser sur mon île, répondit-il dans un murmure avant de se détourner en emportant les tasses vers le comptoir de la cuisine, signifiant ainsi que le rendez-vous était terminé.

Lupita ne se le fit pas dire deux fois, elle attrapa son sac et sortit en claquant la porte. Un autre loisir ! Non mais, je t'en foutrais moi, d'un autre loisir !

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