Chapitre 26 / Une super mauvaise idée

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— Calmez-vous, Mlle Jones. Je ne veux pas que vous couchiez avec moi. Je veux que vous me rendiez service, en réalité. Contre rémunération, qui plus est, commença Darius qui se disait qu'en présentant bien la chose, ce serait plus facile à accepter pour la jeune femme, et moins dangereux pour lui.

Il n'ignorait pas qu'aujourd'hui, un scandale pour harcèlement pouvait très vite tomber. Et puis, obtenir une coopération même minime du sujet, permettrait de maîtriser la situation plus facilement. Il en était conscient.

— Il va falloir être plus clair, M. Ryker, répondit du tac-au-tac Lupita qui était encore suspicieuse.

À juste titre. Elle travaillait déjà pour Anthéa contre rémunération. Qu'est-ce qu'il pouvait bien vouloir en plus, si ça n'était pas des galipettes vite-fait sur le bureau ?

— J'ai besoin d'une fausse petite-amie.

La bouche de Lupita s'ouvrit machinalement et ne se referma pas. Elle sentait bien qu'elle devait avoir l'air d'un poisson hors de son bocal, mais c'était impossible de réagir autrement. Elle avait bugué. Darius Ryker avait besoin d'une petite-amie ? Sous-entendu qu'il voulait qu'elle joue ce rôle. À quoi cela pouvait-il bien rimer ?

Et une autre question fit son apparition aussitôt : qu'est-ce qu'ils avaient tous à avoir besoin de fausses fiancées ! C'était quand même le deuxième à lui faire ce genre de proposition en quelques semaines ! Ils ne pouvaient pas assumer qu'ils étaient gays auprès de leur famille, ou quoi !? Attendez, là ! Darius Ryker était gay ?

Attention ! Lupita n'avait aucun à-priori vis-à-vis de la sexualité des gens. Chacun pouvait bien faire ce qu'il voulait. Mais issue d'un milieu où aucune exigence matrimoniale n'existait vraiment – Vu l'échec du couple de ses parents, ils auraient été bien hypocrites s'ils avaient exigé d'elle quoi que ce soit de ce genre -, et elle-même peu encline à céder aux pressions sociales qui poussaient les femmes au mariage et à la procréation, elle ne pouvait imaginer d'autres raisons au fait d'avoir besoin de produire une fausse petite-amie.

Et comme Lupita était spontanée, elle ne put retenir sa réflexion.

— Vous êtes gay ?!

Le sourire de Darius Ryker s'effaça aussitôt de son visage. C'était quand même la seconde fois qu'on lui posait la question en deux jours. Il avait beau ne pas réprouver l'homosexualité des autres, il n'avait pas particulièrement envie qu'on l'associe à cette préférence sexuelle. Et puis qu'est-ce que ces femmes avaient toutes à penser qu'un homme qui ne veut pas se marier, est forcément gay !

— Non. Pas à ma connaissance, répondit-il froidement.

— Je ne comprends pas, alors...

— Je me fiche royalement que vous compreniez. J'ai besoin d'une fausse petite-amie dans les plus brefs délais. Je n'ai ni le temps, ni l'envie d'en chercher une. Il faut qu'elle soit obéissante et n'aille pas pérorer sur les toits au sujet du marché que je vais passer avec elle. Cela vous parait-il hors de portée ?

— Mais... mais...mais...

— Je commence à douter de mon choix.

— Hé ! Vous y allez un peu fort quand même ! Il y a pas deux minutes, j'étais Mata-Hari et maintenant vous voulez que je sois votre petite-amie !

— Ma fausse petite-amie, entendons-nous bien.

— Et pourquoi moi ?

— Parce que vous me devez bien ça ! Vous m'avez ridiculisé à la gare en me faisant tomber et en m'insultant, et dissimulé votre identité ensuite ! Et puis, vous avez besoin d'argent !

Sur ce dernier point, il n'avait pas tort. Pour les autres en revanche, il n'y avait pas mort d'homme. D'autant que maintenant, il semblait convaincu qu'elle ne travaillait pas pour Deimos Yannopoulos.

— Je ne sais pas si je vais accepter ce marché.

— Bien sûr que si. Sinon,  je vous vire.

— Quoi ?! Mais je n'ai rien fait qui justifie un licenciement !

— Vous êtes en période d'essai pendant deux mois encore et le moindre incident peut justifier votre renvoi. Et croyez-moi, si je vous dis que ce sera facile de trouver...

— Ce... ce n'est pas juste ! s'écria-t-elle en tapant du plat de la main sur le bureau.

— La vie est injuste, Mlle Jones. On ne vous l'a jamais dit, répliqua-t-il en s'asseyant tranquillement dans un fauteuil. Pouvons nous discuter des termes, maintenant ? J'aurais sans doute besoin de vos services assez rapidement.

Lupita avait détesté la situation qui la mettait en porte-à faux vis-à-vis de son nouveau patron. Elle n'avait pas le mensonge facile, et tromper les autres n'était définitivement pas dans son ADN. Alors, cette proposition de fausse fiancée la mettait mal à l'aise. D'un autre côté, elle tenait à ce job. Et, encore plus vrai, elle avait effectivement besoin d'argent. Elle fixa Darius sans rien dire pendant quelques secondes avant d'aller s'asseoir sur le fauteuil en face de lui.

— C'est une super mauvaise idée ! Ça ne marchera pas ! dit-elle finalement.

— Ah ! Et pourquoi ?

— Vous avez besoin d'une fausse petite-amie pour votre famille. Or, votre famille compte Deimos Yannopoulos dans ses rangs. Est-ce que je dois vous rappeler ce que fait cette entreprise ? Entreprise qu'il a géré pendant de nombreuses années.

— Pas d'inquiétude. Je vais mettre mon demi-frère sur l'affaire. Vous aurez une nouvelle identité juste pour ces moments en famille. Et puis, vous avez réussi à me berner sans trop d'efforts, vous allez y arriver.

— Sans trop d'efforts ?! Vous rigolez ! Je ne suis pas du tout une pro du mensonge, et vous le savez très bien ! Vous l'avez dit vous-même que j'étais incompétente pour une espionne, alors que je n'étais même pas une espionne ! Des efforts, il va falloir en faire beaucoup. Je n'ai pas l'habitude de votre milieu, si vous voyez ce que je veux dire. Et puis, si...

— Votre prime sera conséquente, la coupa-t-il.

— Combien ?

Darius Ryker attrapa un bloc-note sur son bureau et y inscrivit une somme avant de tendre le papier à Lupita.

— Ce serait la prime de départ. Ensuite, vous aurez le même genre de somme pour chaque rendez-vous. La somme sera amenée à augmenter si le rendez-vous exige plus de travail de votre part.

— Humpf... laissa échapper Lupita, car cela faisait beaucoup d'argent. Et si la supercherie est découverte ?

— Elle le sera tôt ou tard, j'imagine... le plus tard serait le mieux.

— Ça, je l'entends bien. Mais que m'arrivera-t-il après ?

— Rien. Votre identité secrète sera effacée, et vous ne serez plus que Lupita Jones.

— Et je pourrai continuer à travailler pour Anthéa ?

— Oui.

— Et tout ceci sera mis explicitement dans un document signé de votre main, bien sûr ?

Darius sourit. Au moins, elle n'était pas sotte. Ce serait plus simple pour lui faire comprendre ses exigences.

— Oui. Bien entendu. Je vous ferai appeler dans deux jours pour finaliser ce marché, finit-il en se levant.



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