Chapitre 63 / Quand Dieu a besoin d'aide, on répond à son appel

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Emmanuelle était décontenancée, mais pas sans ressource. La jeune femme avait toujours suivi ses stages de premiers soins avec beaucoup d'attention. Prévoir de s'occuper d'enfants à l'âge de toutes les découvertes, nécessitait de savoir calmer les douleurs et soigner les bobos en attendant les secours si besoin. Sans compter qu'étant sportive, elle avait déjà expérimenté un certain nombre de souffrances physiques qu'elle savait atténuer, voire faire disparaître au besoin.

Lorsqu'elle avait découvert Dieu gisant inerte parmi ses bouteilles, entre la chaîne Hi-fi fracassée au sol, et le fauteuil renversé, elle l'avait immédiatement pincé. Il avait grogné en tentant de la chasser d'un geste vague. Il n'était pas dans le coma, c'était déjà ça.

Ensuite, elle avait réussi à le mettre en PLS. Puis, elle avait dégagé la zone autour de lui après s'être assurée qu'il respirait convenablement. Le danger résidait dans un possible étouffement, s'il se mettait à vomir.

C'est à ce moment qu'elle avait remarqué la blessure au bras. Un bout de verre l'avait entaillé au niveau du biceps. Après avoir cherché en vain autour d'elle quelque chose pour faire une compresse, elle avait sacrifié son tee-shirt pour réaliser un pansement de fortune. Ensuite, vêtue d'un simple maillot à bretelle, elle s'était mise en quête d'une trousse de secours ou, à défaut, d'un torchon propre. Il restait une bouteille de vodka intacte. Ça irait très bien pour désinfecter.

***

Lily était près de lui. Elle lui souriait. Elle était là, son ventre arrondi par la maternité, le visage radieux. Il pouvait la voir, la toucher. La toucher ? C'était impossible ! Impossible ! Lily était morte ! Lily s'était donnée la mort ! Elle avait volé celle de l'enfant à naître. Elle avait disparu sans rien laisser derrière elle. Juste un champ de ruine, et un désespoir aussi profond qu'un gouffre.

Qui était cette femme qui osait le toucher ? Le contraindre ? Ida ? Encore elle ? Avec sa langue de vipère, son venin mortel qui l'avait chassé quand elle avait fini par les retrouver lui et Lily ? Cette femme qui se disait mère ! Cette femme qui disait protéger sa fille, mais qui ne faisait que la rendre malheureuse chaque jour un peu plus ! Cette femme qui avait préféré pousser sa fille au suicide, plutôt que de la laisser vivre son amour avec l'homme qu'elle aimait et qui l'aimait en retour !

***

Finalement, devant l'indigence des possessions de « Dieu », Emmanuelle était retournée dans l'appartement de Lupita pour chercher le nécessaire afin de soigner l'homme blessé. Le passage d'une rambarde à l'autre n'avait été qu'une formalité. Elle comprenait maintenant parfaitement pourquoi il fallait toujours fermer ses fenêtres quand on quittait son appart à Paris !

Alors qu'elle achevait le pansement au bras de « Dieu », il fit un mouvement brusque pour se dégager de son emprise. Elle recula précipitamment pour éviter de se prendre un coup. « Merde ! » pensa-t-elle. « Il a l'alcool violent ! ».

Mais « Dieu » ne parvenait pas à se relever. Il n'en avait pas la force. Il s'effondra de nouveau en délirant sur une Ida qui lui avait volé une Lily.

— Chuttt, fit-elle en se rapprochant de lui doucement. Ça va aller, « Dieu ». Ça va aller. Il n'y a pas d'Ida ici. Ni de Lily. Il y a juste une Emmanuelle qui aimerait bien finir ce qu'elle a commencé. Sinon vous allez vous vider de votre sang. Même si ça n'est pas une blessure grave. C'est quand même plus qu'une éraflure.

— Il faut sauver Lily, murmura-t-il. Pas moi. Lily.

— Où est Lily ?

— Lily est morte ! Lily est morte ! s'écria-t-il en s'agitant de plus en plus.

— Ok ! Autant pour moi, on ne parle plus de Lily, se murmura Emmanuelle pour elle-même en terminant tant bien que mal le pansement, malgré la curiosité qui s'était éveillée en elle.

Qui pouvait bien être cette Lily ? Et cette Ida qui l'avait volée ? Et comment était morte Lily ? Pourquoi un tel chagrin ? L'aimait-il à ce point ? Était-il responsable de sa mort ? Se sentait-il coupable ?

— Et si on parlait de Cendrillon ? dit alors Emmanuelle mue par une intuition soudaine.

« Dieu » se calma aussitôt. Il sourit même. Emmanuelle en était sûre, maintenant. Ce type était amoureux de sa meilleure amie... Et merde ! Il fallait de l'eau fraîche et du café à ce type ! Vite fait ! Elle allait lui remettre les idées en place ! Quelle que soit son histoire, il ne fallait pas qu'il pense que Lupita pouvait être une bouée de sauvetage !

La jeune femme se leva et commença à fouiller dans l'appartement sans vergogne. En même temps, ça n'était pas comme s'il y avait eu beaucoup de choses à fouiller. Si le salon était minimaliste avec son unique fauteuil et sa chaîne Hi-Fi, le reste ne valait guère mieux. Les placards de la kitchenette ne renfermaient que des bouteilles en tout genre et quelques sachets de crackers. Une tasse ébréchée, deux assiettes, quelques couverts. Pas d'ustensiles de cuisine. Pas même une casserole. Au frigo, uniquement des bières et des paquets de clopes. Du tabac au frigo ? Pourquoi pas. Une cafetière à capsule rutilante de propreté était posée près de l'évier, et deux blocs de capsules jamais ouverts patientaient dans un tiroir. Après tout, vu le reste, rien ne l'étonnait réellement. Elle brancha la cafetière et enclencha un café avant de continuer sa prospection.

La chambre était vide à l'exception d'un matelas au sol et d'un portant avec quelques fringues. Ça ressemblait à s'y méprendre à la chambre de Lupita, exception faite du costume de cosplay, bien sûr, qu'elle chérissait plus que les fringues hors de prix qu'elle avait achetées pour jouer son rôle de petite-amie.

La salle de bain était à l'image du reste. Vide à l'exception d'un tube de dentifrice et d'une brosse à dent, d'un rasoir et de coton-tiges. Un gel douche/ shampoing bon marché trônait sur le bord du bac à douche, et une serviette pendait depuis la tringle d'un rideau de douche inexistant.

Quelque chose l'intrigua cependant. Malgré le dénuement, tout l'appart était relativement propre. Même la salle de bain. Pourtant elle n'avait vu aucun produit d'entretien. Elle avait manifestement loupé un placard qu'elle chercha jusqu'à le trouver. Une porte dissimulée derrière celle de la salle de bain lui révéla un aspirateur balais, un balai, une pelle et quelques produits dans un seau. Tout ce dont elle avait besoin en somme.

Lorsqu'elle revint dans la pièce principale armée de son seau et de l'aspirateur, elle trouva « Dieu » étendu sur le dos qui ronflait comme un sonneur. Elle commença par boire le café qu'elle avait fait couler avant d'en relancer un autre. Ensuite, elle ramassa les bouts de verre sans se préoccuper du dormeur. Elle sécha les flaques d'alcool que le sol n'avait pas absorbé, puis avec un sourire carnassier, elle enclencha l'aspirateur.


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