Chapitre 105 / Une évidence

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Darius se leva avec humeur en fixant toujours Lupita.

— Où est Jung ? questionna-t-il en prenant son smartphone. Et ne me réponds pas vaguement, grand-mère !

Le retour du « grand-mère » était un point positif pour Iseul, mais l'arrêt brusque de la confrontation avec Lupita l'inquiétait. Elle se demandait si elle ne les avait pas interrompus trop tôt. La réplique suivante de la jeune femme la rassura. Rien n'était fini.

— Tu comptes encore t'enfuir comme un lâche ?

— Un quoi ? hurla-t-il presque, en abattant ses deux mains sur la table face à la jeune femme.

Loin d'être impressionnée, Lupita se leva et le fixa bien en face avant de répondre.

— Un lâche, répéta-t-elle posément avant de reprendre aussitôt. Tu vois, je cherche à comprendre ce que tu fais ici exactement. Bien sûr, je vois bien la nécessité de la vengeance. Moi-même, je crois que j'aimerais assez voir cet enfoiré de Deimos Yannopoulos s'écraser à mes pieds, mais répandre son sang n'est pas indispensable. Alors pourquoi ce départ précipité de New-York ? Pourquoi m'avoir laissée seule face à mes questions, alors que notre histoire n'avait même pas commencé ? Un baiser ne peut suffire à imposer une certitude, surtout quand il existe autant de non-dit, autant de divergences... j'en suis arrivée à cette conclusion : Ta colère s'est alimentée de la peur que Deimos récidive comme il l'avait annoncé, mais pas seulement. Elle s'est alimentée également de la peur de ce qui se tissait entre nous. Et au lieu de nous donner une vraie chance, au lieu de te laisser porter, tu as décidé de foncer tête baissée vers ce qui pourrait tout détruire à coup sûr. Tu pourras te justifier autant que tu le voudras, Darius Ryker, ne pas vouloir affronter ses sentiments, j'appelle ça de la lâcheté, finit Lupita en l'abandonnant là

Les derniers événements avaient fait mûrir la jeune femme, lui conférant une lucidité au-delà du raisonnable. Elle brûlait ses vaisseaux, prête au naufrage. Prête à nager vers la rive suivante, mais espérant que le capitaine du bateau actuel entende enfin son cri.

Darius était immobile, les mains toujours sur la table, le regard fixé sur le dos de Lupita qui s'éloignait. Son esprit subissait une tornade d'émotions contradictoires. Il était en train de se perdre et ne voyait rien qui puisse le sauver. Plus rien. Enfin, presque plus rien.

— Tu vas la laisser partir comme ça ? Toute seule ? Sans compter qu'il est tard, qu'elle est une jeune femme ravissante, et que les rues de cette ville ne sont sûres pour personne dépassée une certaine heure, elle a pris la mauvaise direction pour rejoindre l'hôtel. Je crois que cette gamine n'a aucun sens de l'orientation, dit Iseul en farfouillant dans son sac à main à la recherche de son smartphone.

Les arguments de Mlle Jones pouvaient aussi bien faire mouche que le contraire. Si Darius décidait de fuir à l'opposé, il fallait que quelqu'un s'occupe de récupérer la jeune femme avant qu'elle ne fasse de mauvaise rencontre ou ne se perde. Pour sa part, elle rentrerait en taxi. Elle en avait assez fait ce soir.

À peine avait-elle mis la main sur l'appareil téléphonique qu'elle sentit le vent tourner. Et pas seulement métaphoriquement. Une grande bourrasque humide accompagna le départ en trombe de Darius. À ce rythme, il rattraperait Lupita en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Iseul sourit en sentant une main se poser sur son épaule.

— Je crois que ton plan va peut-être fonctionner finalement, Jung.

— Je l'espère bien, murmura ce dernier. Je nous appelle un taxi ?

— Avec plaisir. Je suis épuisée. J'ai faim aussi.

— J'ai tout prévu. Avec un peu de chance, ils nous rejoindront à l'hôtel sous peu.

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