Chapitre 107 / Les amours naissantes

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Darius réalisait qu'il avait failli tout foutre en l'air. Sa fureur l'avait aveuglé au point qu'elle avait presque tout submergé. Elle aurait pu ravager son existence. Il ne serait resté qu'un champ de ruine et du malheur en pagaille. Tout ça à cause d'un vieil homme qui n'avait pas compris qu'il avait perdu dès l'instant où il s'était attaqué ouvertement à eux. S'ils n'arrivaient pas à le raisonner, il faudrait qu'ils mettent des mesures de sécurités en place, qu'ils n'auraient jamais eu l'idée d'envisager. Il soupira longuement en songeant à l'ampleur de la tâche que les attendait, Magnus et lui.

Coincé dans la file d'attente pour passer les contrôles de sécurité, Lupita dos collé au torse de Darius, jouait sur son téléphone avec une certaine frénésie. Cela ne l'empêcha pas de ressentir le long soupir de son petit-ami. Elle mit aussitôt en pause et leva le nez vers lui. Il remarqua son regard interrogateur et l'embrassa sur le front pour toute réponse. Elle sourit, prête à replonger dans son jeu.

— Je suis désolé, murmura-t-il alors.

— Désolé ? Pourquoi ? Qu'est-ce que tu as encore l'intention de faire ?

— Pas pour ce que je vais faire, mais pour ce que j'ai fait.

— Encore quelques nuits comme celle que nous venons de partager, et l'ardoise sera effacée, sourit Lupita en lui jetant un regard cerné, mais rieur.

— Tu es facile à acheter...

— Nous verrons si tu tiens le rythme.

— Mais qui es-tu ? s'exclama Darius en la fixant avec des yeux faussement effarés.

— À toi de choisir, chuchota-t-elle à son oreille en se mettant sur la pointe des pieds.

Il ne lui en fallut pas plus pour qu'il l'embrasse fougueusement.

— Doucement les jeunes, dit alors Mme Kang qui se trouvait derrière eux avec Emmanuelle. Vous n'êtes pas seuls !

— C'est vrai ! Quoi ! Moi, je n'ai pas mon homme sous la main ! Alors un peu de tenue ! lança Emmanuelle.

— Ah ! Parce que si Dieu avait été là, tu les aurais laissés faire ? s'exclama Aïko en riant.

La jeune femme se tenait près de Jung. Main dans la main. C'était déjà beaucoup. La nature réservée de Jung l'empêchait de faire quoi que ce soit d'autre en public. Elle ne le lui reprocherait jamais, car s'il était discret quand ils se trouvaient en présence d'autres personnes, c'était loin d'être le cas quand ils étaient seuls. Il était même un amant passionné et imaginatif. Elle aimait ça. Elle aimait bien d'autres choses encore chez lui. Des choses qui lui faisaient réviser son sens des priorités. De certaines priorités. La photographie demeurait son premier amour, quoi qu'il se passe dans son cœur. Mais ça aussi, il le comprenait. Ce qui était, en soit, un élément incroyablement séduisant pour elle.

— Ben, oui. J'aurais été occupée moi-même... finit par dire Emmanuelle en souriant à son amie.

— Tu vas le revoir bientôt, va...

— J'ai hâte. Il me manque énormément.

— C'est donc bien sérieux, cette fois ?

Emmanuelle se contenta de sourire de nouveau. Oui, c'était sérieux entre elle et Gabriel. Elle avait eu peur que ça aille un peu vite pour lui. Mais c'est lui qui lui avait demandé d'emménager chez lui. Il voulait qu'elle remplisse sa vie de la sienne. Jugeant qu'il avait assez perdu de temps, il la voulait près de lui tant qu'elle accepterait de l'aimer comme il le faisait lui. Son regard sur elle chaque fois qu'elle le surprenait, était une source de plaisir sans cesse renouvelé. Elle avait l'impression d'être un trésor, une chose précieuse. Elle ignorait si cela durerait aussi longtemps qu'elle l'espérait, mais elle voulait en profiter le plus possible. Elle ferait tout pour ça. Pour ne pas regretter. Jamais.

***

— Tu sais qu'il va falloir contre-attaquer juridiquement de manière virulente ? dit Darius à son frère qui, main derrière le dos, fixait la ville depuis la fenêtre de son bureau.

De retour à New-York pour quelques jours, Darius avait rejoint son frère au sein du siège d'Anthéa pour discuter de l'avenir, et pour s'excuser aussi. Et pour le remercier de ne pas l'avoir laissé tomber.

— Je sais. Je sais. Mais ça ne posera pas de problèmes. Ce que nous avons contre lui est bien trop important pour qu'il puisse échapper à la prison.

— Rochemer l'a lâché ?

— Non. Il continue d'affirmer qu'il a tout monté seul. Il voulait se venger de son échec à Paris.

— Et il justifie comment le choix de sa cible ?

— Lupita était facile à toucher. Pas toi.

— Merde...

— Ça ne change rien. Rochemer va plonger pour tentative de meurtre, et Deimos pour avoir tenté de nous doubler sur plusieurs affaires confidentielles. Les protagonistes malheureux de ces affaires ne sont pas près de le lâcher, crois-moi.

— Et comment maman prend la chose ?

— Mal, tu t'en doutes bien. Je ne m'étais pas rendu compte à quel point elle s'était rapprochée de son père depuis la mort de papa.

— C'est un peu de notre faute. Nous l'avons mise à l'écart de notre chagrin, dit Darius d'une voix éteinte.

Il avait du mal à comprendre le ressentiment de sa mère à son égard. Au départ, il avait pensé que c'était le chagrin, qu'il lui fallait un fautif. Depuis qu'il l'avait vu avec Lupita, il comprenait que le problème était ailleurs. Il pensait qu'il l'avait peut-être trop délaissée.

— Pardon, mais te concernant, c'est elle qui s'est mise à l'écart... comme si tu avais été coupable de la moindre chose ! Et moi, j'ai une femme enceinte qui mérite que je m'occupe plus d'elle que de ma mère...

— Je sais, Magnus. Je ne te reproche rien. Mais je ne reproche rien à notre mère, non plus.

— Tu devrais. Son comportement envers Lupita a été parfaitement inacceptable. Et je ne parle même pas de ce qu'elle a dit à Charlotte et Elektra.

— Les femmes de nos vies savent se défendre, tu sais ? Même Elektra. Je pense que si elle n'a pas réagi ce jour-là face à mère, c'était surtout parce que ce que lui avait dit Grand-père l'avait choquée. Elle a toujours pensé qu'il la préférait à nous tous.

— Comme elle se trompait. Deimos n'a jamais aimé que lui-même.

— Et l'argent.

— Et le pouvoir.

Les deux hommes gardèrent le silence un instant avant que Magnus ne reprenne.

— Les prochains repas de famille risquent d'être mouvementés...

— Mais non. Dès que ton fils sera né, maman ne verra plus que lui...

— Charlotte est déjà sur le pied de guerre. Elle a même dressé une liste de ce que pourra faire notre mère avec son fils...nÇa te fait rire ! Évidemment ! Tu ne seras pas là pour éponger les plâtres !

— Nous viendrons aussi souvent que possible. Maman n'est pas méchante. Elle est à l'image de ce que les hommes qui l'ont entourée, ont fait d'elle.

— Depuis quand es-tu devenu aussi rationnel et calme. Il n'y a pas deux jours, tu projetais d'assassiner notre grand-père, dit soudain Magnus en souriant à son frère.

— Je ne comptais pas le tuer, Magnus ! Je voulais le faire tomber. Je voulais l'écraser...

— Mouais, c'est ça... Ça n'est pas ce que disait ton regard, crois-moi... Et ça n'explique pas ton nouveau sens des priorités.

— Ah ! Ça ! Ce sont les nuits blanches...

Magnus regarda son frère surpris avant d'éclater de rire.


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