Chapitre 58 / Retour de baton

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Lupita s'affala contre le dossier de la voiture dans une position peu gracieuse, mais tellement plus agréable que le dos droit et le port de tête de princesse qu'arborait Ryker près d'elle. Elle accompagna le tout d'un soupir de soulagement non feint qui n'échappa personne dans la voiture.

— C'était si contraignant ? avança Darius en lui jetant un regard en coin.

— Exténuant, répondit la jeune femme en ôtant le collier pour le lui remettre.

— Vous pouvez le garder, dit-il avec un geste distrait.

La jeune femme se redressa en le fixant. Darius vit clairement d'abord l'étonnement, puis la colère passer dans ses yeux noirs comme des puits.

— Vous ne devriez pas être si désinvolte vis-à-vis de l'argent, M. Ryker, dit-elle en lui posant l'écrin sur les genoux.

— Désinvolte ?

— Oui. Me dire que je peux garder des bijoux hors de prix avec l'air de s'en préoccuper comme de sa première paire de chaussettes, c'est de la désinvolture. Et c'est mal.

— Que voulez-vous que je fasse de ces bijoux, sinon vous les donner pour de bon ?

— Les rendre à la bijouterie, par exemple, me paraîtrait une excellente option. Mais vous pouvez aussi les garder au coffre. Après tout, ça peut être considéré comme un investissement. Et puis, vous n'êtes pas à l'abri de vouloir les offrir un jour à celle qui serait votre vraie fiancée.

— Les offrir à ma... Mais vous les avez portés ?

— Et donc ? Je les ai contaminés de manière irrémédiable ? Vous craignez que mes cellules épithéliales de pauvre ne viennent corroder la chair tendre et soyeuse de cette hypothétique révélation divine ?

Jung ne put se contenir plus longtemps. Il explosa de rire devant le regard interloqué de son demi-frère.

— Ça te fait rire ! lança alors Darius en brandissant l'écrin le plus long.

— Excusez-moi, M. Ryker... se reprit-il en conservant toute même un sourire en coin qui en disait long sur son état d'esprit.

— Mlle Jones, reprit Darius, vous m'avez mal compris. Dans mon monde, offrir des bijoux portés par une autre femme est assez mal perçu. Surtout si l'autre femme est censée être une ex...

— Qui se rappellera que je portais ce collier ?

— Assez de personnes pour que je sois reçu vertement si je m'avisais de l'offrir à une autre femme.

— Il ne faut pas pousser quand même ! Il n'y avait pas tant de monde que ça !

— Pas besoin, il y avait Harriet Holstein. Vous l'avez oubliée ? Je peux vous assurer qu'elle, elle ne vous oubliera pas. Surtout avec le petit numéro de votre copain.

— Dieu ? Mais il m'a sortie... Non ! Il nous a sortis d'une situation sensible...

— Dans laquelle vous nous aviez mise.

— Ok. J'ai fait une erreur. Ça n'arrivera plus, vous pouvez me croire. Quelle foldingue cette femme.

— Elle est bien pire que ça. J'espère juste que vous n'aurez pas été sa seule source d'attraction de la soirée.

Cette fois, ce fut Jung qui répondit, en montrant son smartphone bien en vue.

— Non, je crois que la ruine de sa robe associée au cul du serveur occupe pas mal son esprit. Regarde.

L'instagram de Mlle Holstein montrait la tache sur la robe et une photo volée du serveur entre deux portes. Si elle n'avait pas su qui c'était, Lupita aurait à peine reconnu son voisin.

— Elle a mis combien de filtres ?

— Assez pour que la robe semble brûlée et que Dieu ressemble au Diable en personne, murmura Darius. C'est qui ce type ? finit-il un rien accusateur.

Un homme de cet âge qui prenait le risque de se faire virer, simplement pour sortir une « voisine » d'un mauvais pas, ça n'existait pas.

— Mon voisin de fenêtre. Je vous l'ai déjà dit.

— Un voisin ? Seulement ?

— Ben oui ! Qu'est-ce que vous êtes en train d'imaginer encore ?!

— Encore ?! Rien, mais le comportement de ce type me paraît suspect. Il est évident qu'il veut vous mettre dans son lit.

Lupita ne répondit pas immédiatement. Elle réfléchit quelques secondes à la situation. Il y avait bien quelque chose dans le regard de Dieu, mais pas du désir. Il ne jouait pas en flirtant. Il lui parlait comme à une sœur, une fille. Pas un potentiel coup d'un soir, ni même plus. Elle était donc en train de vivre une crise de jalousie de la part d'un mec qui n'était même pas son vrai petit ami, à cause d'un homme qui ne semblait lui vouloir que du bien ? Perturbant.

— Quand bien même ! répliqua-t-elle, provocatrice, en se redressant.

— Comment ça « quand bien même » ! Vous ne devez pas avoir de vrai petit ami pendant que vous jouez la fausse petite amie pour moi ! Enfin ! C'est ridicule !

— Ce qui est ridicule, c'est cette conversation uniquement basée sur des hypothèses erronées de votre part. Encore ! Vous vous faites trop de films ! Dieu est mon voisin de fenêtre. Il est une oreille attentive, et c'est tout. J'ai vraiment l'impression que vous me prenez pour une « Marie couche toi-là ! », c'est déplaisant, finit-elle en croisant ses bras sur sa poitrine d'un air boudeur.

Darius échangea un regard avec Jung qui haussa imperceptiblement les épaules. Le jeune homme avait l'impression d'avoir perdu sa capacité à comprendre les femmes. Il n'avait jamais eu autant la sensation de se trouver sur des sables mouvants qu'en cet instant.

— Écoutez, Mlle Jones. Il ne s'agit pas de... enfin, vous pouvez bien faire ce que vous voulez avec votre voisin, mais je vous demanderai d'être le plus discrète possible.

— Mais je ne couche pas avec Dieu ! Enfin !

— Encore heureux, se contenta de souffler Jung en souriant.

— Oh ! Vous ! Ça va, hein ! répliqua-t-elle en se tournant ostensiblement vers la fenêtre.

Elle entendit le « Tant mieux » de Darius, qui se plongea ensuite dans son smartphone.

Jung, lui, fixait cet étrange couple bien mal assorti. Il se félicitait finalement de n'avoir pas eu l'occasion d'expérimenter la « fausse petite-amie », quand brusquement, il se souvint de quelque chose qui le fit blêmir.

— Darius ! J'avais complètement oublié ! Grand-mère Kang nous a invité à déjeuner samedi.

— Et bien, où est le problème ?

— Non ! Tu ne comprends pas ! Nous, continua Jung en les désignant tous les trois. Nous ! Et ma petite-amie !

— Merde ! Ne put s'empêcher de laisser échapper Darius.

— C'est grave ? demanda Lupita.

— Si on prend en compte que grand-mère Kang est bien plus maligne que Deimos, et que Jung n'a toujours pas de petite-amie, oui.

— Ah ! Je peux demander à Emmanuelle. Je suis sûre qu'elle sera partante pour jouer le rôle. En plus, comme elle est déjà au courant pour nous et qu'elle vous trouve canon... dit Lupita avec un petit sourire goguenard.


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