Partie 3 : Chapitre 1 / Inévitable !

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Les yeux rivés à l'écran de son téléphone, Darius était plongé dans la lecture d'un document qu'il n'avait pas eu le temps de finir dans l'avion. De temps à autre, il faisait des remarques à Jung qui étudiait le même document sur son propre téléphone. Aucun des deux ne prêtait attention à ce qui les entourait. Habitué à travailler n'importe où, le brouhaha ambiant ne les perturbait pas. C'était un élément du cadre sur lequel ils n'avaient pas prise et auquel ils n'accordaient donc aucune importance.

Le duo traçait sa route à travers la foule, eux-mêmes détail de l'ensemble que constituait l'écosystème particulier de la gare Montparnasse. Ils n'étaient ni plus, ni moins importants que les autres, juste plus distraits, peut-être.

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La musique s'éleva brusquement sur l'immense esplanade devant la gare, et un groupe de danseurs venant de toutes les directions, se forma spontanément pour suivre une chorégraphie apprise dans la solitude de leur appart ou dans la joie collective de rendez-vous secrets. C'était rythmé, enjoué. « Shake it off » lancé par une chanteuse mondialement connue.

Même les voyageurs pressés se mirent à fredonner le refrain en souriant, avant de franchir les portes automatiques de la gare dans un sens ou dans l'autre, s'éloignant presque à regret de cet espace soudain mu par une énergie propre et galvanisante. Les autres s'étaient simplement arrêtés pour profiter du spectacle en chantant ou dansant. Les plus jeunes sautillaient joyeusement en tapant des mains. Les smartphones filmaient. Les amis commentaient.

***

Lupita avait mis sa tenue de Cheerleader, rouge et blanche avec une touche de dorée. Positionnée juste après Emmanuelle, au milieu d'une ligne humaine, assez peu rectiligne au demeurant, la jeune femme se démenait sans faillir. Elle adorait les flashmob. Elle jeta un coup d'œil à son amie qui mettaient autant d'énergie qu'elle dans cette danse.

Emmanuelle avait soigné sa tenue. Elle portait un cycliste noir sous une robe à volants, et des bottines à talons. Elle s'était contentée d'attacher ses cheveux en queue de cheval, la laissant virevolter au rythme de la chorégraphie. Même comme ça, sans aucun élément particulier, elle attirait le regard par cette énergie qui se dégageait d'elle.

Le dernier membre de leur trio magique était assis sur un rebord de jardinière. Aïko ne dansait pas. Elle filmait et elle le faisait avec un sérieux et un calme tout à fait perturbant parmi cette foule gesticulante et bruyante. Entièrement vêtue de noir – robe à volants, mi-bas, mocassin et maquillage -, Aïko arborait une belle frange courte sur le front, et sur l'arrière du crâne, deux chignons, dont s'échappaient de multiples épis récalcitrants. La jeune femme possédait une chevelure ébène d'une raideur et d'une force sans commune mesure, qu'elle domptait plus qu'elle ne coiffait. Sans ces artifices, Aïko paraissait bien plus jeune qu'elle n'était, et elle détestait qu'on la prenne pour une gamine de 15 ans, alors qu'elle en avait 25.

Malgré les apparences, Aïko s'amusait, mais pour en déceler les détails au-delà du masque imperturbable et sombre qu'elle offrait au monde, il fallait l'observer finement. Seule Lupita et Emmanuelle en étaient capables.

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Emportée par les mouvements rapides et énergiques, aucun des danseurs ne vit arriver les deux hommes en complet-veston et pardessus. Absorbés par leur discussion, ils avançaient résolument dans leur direction sans dévier de cap, tel un paquebot fendant les eaux. La suite fut prévisible.

Pour faire simple, le Titanic rencontra immanquablement son iceberg, même si celui-ci était bien plus petit et bien moins résistant que l'original. Sans pouvoir l'éviter, Lupita encaissa de plein fouet la poussée involontaire et brutale des deux hommes, aussi surpris qu'elle.

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