Chapitre 86 / Chorus

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Jade Lambert accueillit Lupita en poussant de petits cris totalement inattendus venant d'une personne aussi posée habituellement. Son émotion était telle, qu'elle finit par enlacer la jeune femme en pleurant un peu. Iris et Leia vinrent s'agglutiner à ce noyau d'émotion pure. Aucun des garçons n'osa venir trop près, mais ils avaient tous quitté leur poste de travail pour s'approcher.

Lupita s'étonna de cette sollicitude. Elle avait noué des liens avec l'équipe, bien sûr, mais n'imaginait pas avoir une telle aura de sympathie. Elle se laissa faire, cependant en souriant et en rassurant tout le monde.

— On se remet au travail, déclara alors la voix d'Eric Vivier qui venait de sortir de l'ascenseur. Nous avons beaucoup de travail devant nous ! Mlle Jones, pourriez-vous me suivre dans mon bureau, je vous prie ?

Tout le monde obéit, et Lupita se retrouva dans le bureau d'Eric Vivier, porte fermée. Elle n'osa pas ouvrir la bouche. Pourquoi se sentait-elle tellement coupable, alors qu'elle n'était qu'une victime ? Mystère ! À moins que ça n'ait à voir avec sa fausse relation secrète avec le patron ? Elle ne savait plus trop comment se comporter.

— Mlle Jones, je voulais vous féliciter personnellement de votre implication dans cette malheureuse affaire. J'ai appris tout ce qui vous était arrivé et ce que vous aviez fait alors même que vous risquiez votre vie. Je suis impressionné par une telle audace, alors même que n'importe qui d'autre n'aurait songé qu'à sauver sa vie. Moi, y compris.

— Je ne crois pas.

— Pardon.

— Je crois que chacun aurait fait comme moi. L'opportunité était trop grande pour l'ignorer, répondit Lupita s'étonnant elle-même de son analyse.

Elle ne dépréciait pas son geste. Elle le considérait comme allant de soi. Elle avait eu peur pour sa vie. Elle avait failli mourir, c'était vrai, mais au moment des faits, elle n'avait vu qu'un sac à portée demain. Un sac contenant des informations sensibles, essentielles à l'entreprise dans laquelle elle était heureuse de travailler.

— Je crois que vous ne voyez pas la portée de votre acte, Mlle Jones. C'est tout à fait à votre honneur, mais une chose est pourtant sûre, vous étiez et restez en danger pour le moment. Je vais vous faire raccompagner à votre domicile.

— Bien sûr que non ! Vous l'avez dit vous-même, il y a du travail à ne pas savoir qu'en faire pour sécuriser les données de l'entreprise ! Vous avez besoin de tout le monde, surtout de moi, puisque Klaus, votre expert en sécurisation est à la clinique !

— Je vois pourquoi M. Carpentier vous a fait engager par Anthéa. Vous êtes deux têtes de mules aussi butées l'un que l'autre ! s'exclama Vivier en s'adossant à son fauteuil en fixant Lupita avec un léger sourire aux lèvres.

— Je ne comprends pas.

— Klaus arrive. Il a demandé à sortir contre l'avis des médecins pour venir sécuriser le réseau au plus vite. Il aurait « rêvé » d'une solution imparable.

— Et vous alliez me renvoyer chez moi ?!

Eric Vivier ne répondit rien, mais sourit plus largement.

— Vous me testiez ?

— Pas vraiment. Je savais ce que vous alliez dire. Au travail, Mlle Jones, finit Vivier en se levant pour rejoindre son équipe.

***

La journée fut des plus actives. Une fois Klaus accueilli en héros par tous ses collègues, il avait été installé au mieux à côté de Lupita. Il ne pouvait pas se servir de ses deux mains comme il l'aurait voulu. Elle était donc là pour suppléer à son infirmité temporaire, tout en débattant de ce qu'il souhaitait faire. Leur discussion était souvent ponctuée de réflexions provenant d'autres collègues. Chacun participait activement au travail en cours.

Jade ravitaillait tout le monde en boisson et nourriture quand cela s'avérait nécessaire. Elle tachait de leur faciliter la vie autant qu'elle le pouvait, conscience comme le reste de l'équipe de l'urgence de leur travail pour que la société puisse mettre derrière elle l'incident qui aurait pu se révéler dramatique, voire fatal pour plusieurs d'entre eux.

Lupita était si heureuse de retrouver Klaus en vie et de pouvoir travailler avec lui sur un projet qu'elle considérait d'envergure, puisqu'il s'agissait d'améliorer le protocole d'urgence, qu'elle ne se préoccupa plus de retrouver son téléphone, ni d'aller discuter avec le patron au sujet de ce fichu baiser qui l'avait pourtant agacée au début de la matinée. Elle était toute entière absorbée par sa tâche.

***

Jung referma la porte du bureau avec la satisfaction d'une journée de travail d'une efficacité exemplaire. Tout n'était pas régler, loin de là, mais tout semblait en passe d'être définitivement sécurisé. Et c'était déjà énorme. Tout le monde avait abattu un travail gigantesque. Cette collaboration montrait l'attachement des employés à l'entreprise. Personne ne s'était trouvé d'excuse. Personne n'avait râlé, malgré le traitement que chacun avait reçu lors de la mise en place de la procédure d'urgence. Tout le monde avait compris. C'était inespéré. Trop beau peut-être ? Jung s'en préoccuperait un peu plus tard. Pour le moment, les clients étaient rassurés, la société de nouveau en fonction. Le pire était derrière eux.

Une autre mission lui incombait ce soir. Il s'approcha du bureau de Darius, derrière lequel, ce dernier s'étirait en s'adossant à son fauteuil. Son frère était épuisé, ça se voyait. Pourtant, il ne pouvait remettre au lendemain ce qui lui restait à faire.

Jung déposa un smartphone sur le sous-main en cuir devant lui.

— Ça n'est pas le mien, Jung.

— Non. En effet. C'est celui de Mlle Jones.

Le regard de Darius passa plusieurs fois du téléphone à son frère avant qu'il ne réponde en soupirant.

— Pas ce soir Jung. Je n'ai plus la force de me battre.

— Peut-être n'auras-tu pas à te battre ?

— Ça, ça m'étonnerait.

— Elle aussi a travaillé toute la journée. Elle sera aussi fatiguée.

— Comment ça, elle a travaillé ?! Je croyais qu'elle était chez elle à se reposer aujourd'hui !?

— Pas exactement.

— Et par « pas exactement », tu entends quoi ? s'exclama Darius ayant retrouvé un peu de vigueur.

— Elle est arrivée ce matin à l'heure d'embauche.

— C'est une blague ? Pourquoi tu ne m'as rien dit ?

— Parce que tu avais autre chose à faire. Autre chose d'essentiel. Et elle aussi.

— Tu aurais pu au moins m'en informer !

— Pourquoi faire ? Ça t'aurait préoccupé toute la journée et...

— Je suis capable de réfléchir à plusieurs choses à la fois, tu sais !

— Pas dans l'état dans lequel tu es ! Je te rappelle qu'au-delà d'être ton frère, je suis ton assistant. Je connais ta capacité de travail, tes atouts, tes défauts. Je sais que tu es capable de soulever des montagnes, mais pas en marchant dans des sables mouvants.

— Ok. Lupita étant les sables mouvants...

— Mlle Jones est effectivement les sables mouvants en question.

— Et donc, je devrais la rejoindre maintenant, alors que je suis épuisé, qu'il est très tard, pour lui rendre son portable ? Sans compter qu'elle doit être chez elle, entourée de ses amies et de sa mère. Je ne vois pas l'intérêt.

— Elle n'est pas chez elle. Elle est encore au pôle avec une partie de l'équipe. Les serveurs ont été attaqués à plusieurs reprises et de différentes manières cet après-midi. Quelqu'un a communiquer sur la possibilité de pouvoir profiter de notre faiblesse, manifestement.

—Rochemer.

— Ou Deimos. Bref, les attaques se sont heurtées à un mur. Et Mlle Jones et ses collègues s'assurent encore d'avoir bien étanchéifié les accès. Il est prévu de tout fermer dans une heure. Les agents travaillant à l'étranger sont au courant et patienteront pour communiquer. Les informations importantes ont déjà été transmises. Tu as donc le champ libre, finit Jung en poussant le téléphone pour qu'il soit encore plus à portée de Darius.

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