Chapitre 62 / Mise en accusation de Dieu

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Gabriel avait refusé de sortir avec son pote Hassan, alors que c'était sa seule soirée de libre depuis un mois. Mais il n'allait pas bien. Il avait rêvé de Lily la nuit dernière. Et le souvenir du rêve l'avait hanté tout au long de la journée comme une ombre malfaisante, tentant de le faire redescendre au fond du puits, duquel il s'était extirpé si peu de temps auparavant. C'était il y a si longtemps, mais la douleur était encore si vive ! Il avait reconstruit son existence pitoyable autour.

Il soupira comme éreinté, alors qu'il était juste assis dans son fauteuil solitaire, face à sa chaîne hi-fi muette. Il se pencha en avant pour poser sa tête dans ses mains. Il avait besoin d'oublier. Il avait besoin de lumière.

Il attrapa son paquet de cigarette et ouvrit sa fenêtre avec le secret espoir que Cendrillon soit là. Ce soir, plus qu'aucun autre soir, il espérait entendre sa voix s'inquiéter de petits riens, son rire fuser sur une idiotie de ses amies. Il était même prêt à l'entendre jurer contre un boss un peu trop difficile pour son niveau de joueuse.

***

Assise sur un coussin posé sur le parquet, adossée à la porte-fenêtre ouverte, Emmanuelle profitait de l'air frais du soir en grattouillant Pop-corn derrière les oreilles. Elle regardait distraitement une série sur sa tablette avec le son en sourdine. Elle ne comprenait pas le coréen de toute façon. Les sous-titres lui suffisaient... Et puis son esprit vagabondait trop jusqu'à son propre immeuble, jusqu'à l'appartement situé sous sa chambre de bonne, où ses deux meilleures amies subissaient sans doute un interrogatoire en règle de la part de la grand-mère de Jung et Darius.

Heureusement qu'elle avait promis de garder Pop-corn, sinon, elle n'aurait pas manqué de descendre de chez elle pour coller son oreille à la porte de Madame Kang. Emmanuelle sourit au chien, puis fronça le nez avec un petit air dégoutté. De la fumée de cigarette lui arrivait depuis l'extérieur. Le voisin était à sa fenêtre.

***

Gabriel entendait un murmure en langue étrangère et le battement de la queue du chien contre le montant de la fenêtre. Il y avait bien quelqu'un dans l'appartement.

— Ça vous dérangerait de fumer dans l'appart ou alors à une autre fenêtre ? dit alors une voix contrariée.

Le visage de l'une des copines de Cendrillon s'encadra dans l'espace entre la fenêtre et le garde-fou en métal entourant la minuscule avancée de pierre qui émergeait de la façade. Ça n'était pas la plus sympa, malheureusement pour lui. Quitte à tomber sur une amie, il aurait préféré « Mercredi Addams » à la « Schtroumpfette grognon ». Le chien apparut à son tour, air benêt et sympa, avec sa langue pendante et sa queue en mode métronome.

— Je pourrais, oui, répondit-il sur un ton neutre, comme un mec qui s'en fout.

— Mais vous ne le faites pas.

— Non. Cendrillon est là ?

— Cendrillon ?

— Ma voisine.

— Cendrillon s'appelle Lupita J... commença Emmanuelle qui s'arrêta trop tard, consciente qu'elle venait de donner le prénom de son amie à un type qu'elle trouvait limite inquiétant.

Et même si Lupita le trouvait sympa - elle leur avait raconté l'incident de l'exposition -, Emmanuelle avait des doutes quant aux motivations de « Dieu », puisque c'est ainsi que l'appelait son amie.

— Lupita... ça lui va bien, dit Gabriel en expirant un beau panache de fumée qui se dirigea directement vers Emmanuelle, qui s'était mise debout pour s'accouder à la rambarde comme le voisin.

Emmanuelle ne savait pas quoi dire. Est-ce qu'elle devait continuer à discuter ou simplement fermer la fenêtre ? Devait-elle aller s'enfermer à double tours ? C'était déjà fait. Envisager d'appeler la police ? C'était un peu extrême.

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