Chapitre 66 / Ce que femme veut

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Emmanuelle réfléchissait depuis au moins une demi-heure. C'était long et en même temps, elle avait conscience qu'elle aurait eu besoin de plus de temps encore pour analyser tout ce qui était en train de lui arriver. Car il lui arrivait quelque chose qu'elle n'avait encore jamais expérimenté, quelque chose de nouveau et de surprenant.

Emmanuelle avait conscience de ne pas être d'une grande beauté. Elle était dans la moyenne. Seul son corps athlétique lui conférait un pouvoir d'attraction sur certains hommes. Des hommes qui n'en voulaient qu'à son « cul » comme aurait dit Aïko. Et elle avait raison. On couchait avec elle, mais on ne l'aimait pas.

Si seulement elle avait su s'en contenter, jouir des autres comme ils jouissaient d'elle, mais ça n'était pas le cas. Enthousiaste et tournée vers l'avenir, Emmanuelle tombait amoureuse avec une facilité déconcertante, et se retrouvait seule tout aussi facilement. À chaque fois, elle se relevait et repartait à la charge. C'était comme une drogue, comme une quête sans fin. Sauf depuis l'épisode « Laurent » qui l'avait ébranlée.

Alors, lorsque sa meilleure amie s'était retrouvée avec, non pas un mec, mais trois, à lui tourner autour pour des raisons diverses, Emmanuelle avait senti une vieille colère s'éveiller.

Pas contre Lupita, qui suscitait des sentiments sans même l'avoir cherché, sans le vouloir vraiment, mais contre ces hommes qui ne la voyaient pas elle, Emmanuelle Trévenec. Face à Gabriel, elle avait déchaîné sa colère protectrice sans trop savoir pourquoi. Pourquoi contre lui et pas contre Ryker ou Park ? Pourquoi cette intrusion sans même rien en dire à Lupita ?

Sur le moment, elle n'avait pas réfléchi. Et puis, elle l'avait vu en position de faiblesse, à sa merci. Et puis, malgré sa colère à lui, malgré son chagrin et sa réserve, il lui avait parlé. Et quelque chose s'était produit.

Elle n'était pas tombée amoureuse comme d'habitude. À aucun moment, elle ne s'était dit ce qui lui venait spontanément à chaque fois qu'elle se croyait amoureuse : « je vais faire ma vie avec cet homme, il me protégera et m'aimera comme je le mérite, et je l'aimerai plus que tout en retour, je vais lui faire plein de bébés, et nous serons heureux. »

Au lieu de ça, elle s'était dit : cet homme est brisé, comment faire pour le réparer ? Pas de pourquoi. Pas de comment. Pas d'avenir radieux. Juste un chantier qui semblait être important pour elle. Et c'était le cas.

Cet homme ne voulait pas d'elle, ne lui demandait rien, mais elle savait déjà qu'elle ne le laisserait pas tomber quoi qu'il arrive. Et comme on ne lui avait jamais appris une autre forme d'amour que celle qui lui brisait le cœur depuis l'adolescence, elle n'avait pas compris que cette dévotion envers un autre être, en était une aussi. Alors, elle doutait de la suite et réfléchissait. Même si dans la position où elle se trouvait, elle n'avait pas quarante-mille options. Juste deux : partir comme une tempête ou forcer le destin.

***

Avant même d'ouvrir les yeux, Gabriel sentit un corps chaud lové dans ses bras. Il se souvenait parfaitement de tous les évènements de la nuit. Y compris d'avoir déposé délicatement Emmanuelle dans son lit, avant de retourner dans le salon pour découvrir le chien tranquillement installé dans son fauteuil. Il avait tenté de l'en chasser, mais n'avait récolté que des grognements menaçants.

Il avait râlé avant de se résoudre à dormir de l'autre côté du lit. Après tout, le matelas était assez grand pour deux. Si les filles n'étaient pas contentes, elles n'auraient qu'à s'en prendre à Lupita qui lui avait refilé le chien.

Il s'était donc couché de son côté. Dos à la jeune femme endormie. Comment se retrouvait-il maintenant enchevêtré entre les bras d'Emmanuelle ? Aucun souvenir concret. En revanche, il avait une conscience accrue de ce que produisait chez lui, ce corps à moitié dévêtu et bien agréable à toucher, car inconsciemment, l'une de ses mains s'était mise à caresser l'épaule de la jeune femme. Il cessa aussitôt et chercha à s'extirper du piège dans lequel il se trouvait. Si jamais Emmanuelle se réveillait maintenant, il était prêt à parier sur une castration manuelle et douloureuse.

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