Tout sur Lupita

Chapitre 32 / Premier rendez-vous d'affaire

« Cet appartement est génial ». C'est la première chose que Lupita pensa en entrant. Il manquait un peu de chaleur et de vie, mais il était génial. « De la place à ne pas savoir qu'en faire » aurait dit Emmanuelle. « Une cuisine trop importante » aurait ajouté Aïko. Mais Lupita, elle, elle le trouvait parfait, avec son parquet chaleureux et ces grandes fenêtres qui donnaient sur la Seine. Pop-corn aussi aurait adoré la vue.

Bref, Darius Ryker avait un appartement génial et ne s'en rendait probablement pas compte. Comme elle le voyait, il faisait partie de ces personnes qui ne savaient pas profiter des petites choses que la vie leur offrait. D'ailleurs, pour preuve, il avait encore l'air bougon. À chaque fois qu'elle le rencontrait, il avait cet air là sur le visage. C'était peut-être sa marque de fabrique : le gars renfrogné. Mais pas comme Kévin qui finissait par aboyer ce qu'il avait sur le cœur. Non, plutôt le gars qui fait la gueule sans qu'on ne sache jamais pourquoi. Une chose était sûre. Si elle avait eu un appart comme celui-là, elle aurait souri dès qu'elle y aurait mis les pieds.

Lupita alla s'asseoir directement sur le canapé qui trônait au milieu du salon et en apprécia le confort avec un plaisir non dissimulé. Contrairement au sien, celui-là n'était ni défoncé, ni taché, ni couvert de poils. Un avantage indéniable, c'était certain.

Habillé comme à son habitude, d'un baggy et d'un hoodie, la jeune femme afficha un sourire franc à celui qui semblait avoir avalé un lézard avarié au dîner, puis ouvrit son sac pour en sortir le contrat qui scellerait le pacte qu'elle allait faire avec le « diable ». Elle était là pour affaire, elle ne devait pas l'oublier.

En chemin, Lupita s'était donné la force d'être elle-même. Elle ne pouvait pas nier que son patron l'impressionnait un peu. Et pas uniquement parce qu'il avait le pouvoir de la virer sans façon. Non. Aussi à cause de son physique. D'une certaine manière, il la dominait avec sa stature imposante et son regard contrarié, et, instinctivement, comme tout animal plus petit qu'un autre, elle avait envisagé deux choix : soit elle se recroquevillait en attendant de voir, soit elle attaquait direct avec toute la hargne d'un roquet qui ne s'en laisse pas compter.

Bon, elle avait mitigé la seconde option. Il s'agissait de faire en sorte que cette affaire soit rondement menée. Maintenant qu'elle en avait parlé à ses amies, tout lui paraissait beaucoup plus clair et simple. Elle avait même déjà commencé à regarder sur des sites spécialisés le matos qu'elle achèterait avec sa première prime.

— Vous avez attentivement lu le contrat, cette fois ? Avez-vous des questions ? Des objections ?

— Oui. Je l'ai lu, et en effet, j'ai quelques questions. La première étant, la vraie petite-amie ne s'ombragera-t-elle pas de ce que vous me proposez ?

— Il n'y a pas de « vraie » petite-amie. Sinon, je n'aurais pas besoin de vos services, répondit-il en s'asseyant face à elle.

— Ça aurait pu être quelqu'un que vous ne souhaitiez pas présenter à votre famille.

La réponse le laissa sans voix. Qu'avait bien pu imaginer cette fille pour envisager une telle éventualité ? À moins qu'elle ne tâte le terrain ? Darius commença à se demander s'il n'avait pas fait une erreur en faisant cette proposition à une employée aussi jeune. Sans doute était-elle pétrie d'illusion romantique. Il allait mettre les choses au point, quand Lupita reprit la parole et lui démontra qu'il se leurrait sur son compte.

— Tant mieux. Il n'y aura donc pas de femme aux ongles acérés pour m'arracher les yeux si je vous prends le bras ou si je vous tiens la main. Ça, c'est bon, dit-elle en checkant quelque chose sur son écran de smartphone. Concernant les tenues. Et quand je dis « tenues », j'entends vêtements, chaussures, sac et autres colifichets. Je ne suis pas naturellement pourvue de ce genre d'accessoires et je n'ai rien vu à ce sujet dans le contrat. Dois-je me débrouiller seule ? Et dans ce cas, cela voudrait dire qu'une partie de mon paiement y passera sans doute, ce qui ne me convient pas du tout. Avez-vous prévu quelque chose ?