Chapitre 20 / Le hasard farceur

490 85 10
                                    

Emmanuelle s'était endormie sur le bord du canapé en regardant le film. Lupita et Aïko rangèrent les vestiges de leur soirée et décidèrent de partir. Même s'il était encore tôt finalement, à peine 22h, pas question de réveiller le dragon endormi. Emmanuelle avait besoin de deux choses dans la vie, avoir sa dose de sport quotidien, et dormir autant que nécessaire. Ce qui impliquait de respecter son endormissement intempestif, même quand on avait prévu autre chose.

— Je vais en profiter pour aller faire quelques photos, murmura Aïko, j'ai repéré un immeuble délabré en venant.

— Tu y vas seule ? Tu ne veux pas que je t'accompagne, demanda Lupita avec un brin d'inquiétude dans la voix, car même si elle savait parfaitement quelle serait la réponse de son amie, elle ne pouvait s'empêcher de vouloir la protéger.

— Non, Lupe... Et arrête de t'inquiéter pour moi.

— Ça, ça va pas être possible. Tu le sais. Pas tant que tu feras des photos de lieux abandonnés et vides... Pourquoi, tu ne prends pas des scènes joyeuses et en plein jour, de préférence.

— Ça rend moins bien.

— Tu parles... C'est ton coté Mercredi Adams qui ressort, répliqua Lupita en souriant.

— Tu ne vas pas t'y mettre...

— Laisse-moi t'accompagner...

— No way... t'as pas des potes à rejoindre sur le réseau ?

Lupita avait toujours une partie de jeux en ligne en cours, voire plusieurs. Alors évidemment que si, elle avait des potes qui l'attendaient certainement. Surtout un samedi soir. Elle soupira et abandonna la partie. Elle ne pouvait contrarier la volonté créatrice de son amie, juste parce qu'elle tremblait pour elle. Elle n'était pas sa mère !

— Tu peux y aller. Je finis ici et je pars.

— Merci, sourit Aïko en lui plaquant une bise sur la joue avant de sortir avec son sac.


Lupita vérifia qu'elle n'avait rien laissé traîner, recouvrit Emmanuelle d'un plaid en polaire qui attendait soigneusement plié sur un accoudoir du canapé-lit et attrapa son propre sac pour partir.

Son amie habitait une chambre de bonne mal isolée auquel on accédait par un vieil escalier. L'ascenseur de l'immeuble desservait cinq étages cossus et bien entretenus, mais s'arrêtait avant les chambres de bonnes. À croire que l'entrepreneur qui avait restauré le bâtiment quelques années auparavant, avait oublié le dernier étage.

Après avoir fermé la porte à clé (chacune des copines avait un double des clés des appartements des autres), Lupita descendit vers le palier inférieur. Elle n'avait pas l'intention de prendre l'ascenseur, mais le vit arriver à l'étage. Elle sourit en s'y introduisant. Ça n'est qu'en appuyant sur le bouton rez-de-chaussée, qu'elle vit la porte de l'appartement du cinquième entrebâillée, et ceux qui s'apprêtaient à en sortir en discutant avec la personne occupant l'appartement en question.

M. Darius Ryker !

Mais qu'est-ce que c'était que cette histoire ! Qu'est-ce qu'il fichait ici ? Dans cet immeuble ? Lupita resta bouche bée une brève seconde avant de se tourner résolument en remontant sa capuche de hoodie pour qu'on ne la voit pas, tandis que la cabine s'ébranlaient vers le bas de l'immeuble.

***

Darius se tourna vers l'ascenseur juste au moment où la cabine repartait. Il ne vit qu'une silhouette qui tournait le dos. Jung s'était précipité pour rappeler l'engin, mais peine perdue. Il pesta contre l'opportuniste qui lui avait piqué l'ascenseur, alors que c'était lui qui l'avait appelé avant de prendre congé de sa grand-mère.

***

L'esprit de Lupita qui tournait déjà à plein régime à la recherche d'une explication logique à la présence de son patron dans cet immeuble un samedi soir, se mit en mode ébullition quand elle comprit, au bruit dans l'escalier, que ceux à qui elle avait si manifestement volé l'ascenseur, descendaient à pieds. Vu la lenteur de l'engin, ils n'auraient aucun mal à la rattraper. Elle était foutue.

***

Darius se moqua de Jung qui tentait de descendre assez vite pour rattraper la cabine et engueuler son occupant indélicat, et rigola carrément quand il vit une silhouette s'enfuir en courant par la porte vitrée du hall, juste avant qu'ils n'atteignent le rez-de-chaussée.

— Non, mais t'as vu ça !

— Ce que je vois surtout, c'est avec quelle énergie tu es prêt à faire payer un voleur d'ascenseur. Rappelle-moi de ne jamais te griller la priorité à la cafétéria de l'entreprise !

— C'est ça rigole ! Ça t'aurait moins fait rire, si cet empaffé t'avait piqué ta place de parking !

— Ça n'a rien à voir ?!

— Mais si ! Mais si ! Ça a tout à voir ! Les gens ne respectent plus rien.

Darius éclata de rire devant le visage contrarié de son demi-frère.

— Mais il ne perd rien pour attendre, dit alors se dernier, toujours aussi sérieux.

— Parce que tu l'as reconnu ?

— C'est forcément le locataire du dessus. Personne ne serait monté au cinquième pour ensuite descendre. Grand-mère Kang n'a aucun voisin, puisque son appartement occupe les deux qui existaient autrefois à son étage, il n'y a qu'un appart occupé au-dessus du sien.

— L'enquêteur a encore frappé... rigola Darius. Je plains ce type...

— C'est ça !

— Ta soudaine obstination à vouloir faire justice pour une peccadille aurait-elle quelque chose à voir avec ce qui s'est dit chez Iseul concernant une certaine petite amie ?

—Rien.

—Bien sûr.

Tout sur LupitaWhere stories live. Discover now