Mise à part

Chapitre 3

Je savais que j'aurais du m'y attendre. J'avais fais attention à les éviter durant toute la journée mais il avait suffit que je baisse la garde au moment de sortir pour rentrer à la maison pour me faire avoir. Arthur et un de ses amis -Kilian je crois- m'ont attendus devant ma classe et je n'ai pas pu fuir. Ils m'ont attrapé par les bras et je ne pouvais pas me débattre. Je vais avoir les traces de leurs mains sur ma peau pendant plusieurs jours ou du moins jusqu'à demain matin. Je ferme les yeux et prends une grande inspiration avant de me retrouver de nouveau la tête sous l'eau dans la cuvette des toilettes des garçons. Je crois qu'un autre élève est en train de subir la même chose que moi mais dans la cabine à côté ; je dirais à ma droite.

Je sens qu'on me tire de nouveau la tête vers l'arrière. Je me laisse faire pour ne pas mourir noyer ici, dans les WC masculins d'un lycée. Ce serait vraiment une mort stupide et tragique mais qui témoignerait du calvaire de certains étudiants. Certains ont carrément la phobie d'y aller et je crois que je commence à être l'une de ces personnes. Je prends une grande inspiration alors que ma tête retourne dans l'eau dégoûtante et en pleine de pipi. Je ferme ma bouche le plus possible pour ne pas que de liquide n'entre dedans. Déjà rien que sur les lèvres, c'est horrible alors je n'ose imaginer sur mes papilles gustatives. Je ferme aussi les yeux pour ne pas en avoir dedans. Je passerais bien d'avoir une conjonctive ou n'importe quelle autre sorte d'infection de l'œil à cause d'eux.

Mon visage revient de nouveau à l'air libre mais puant des toilettes. Je ne sais pas ce qu'il y a de mieux, sentir l'odeur ou avoir la tête dans de l'eau et pipi plein de bactéries en tout genre. J'aimerais faire part à quelqu'un de ce qui ne va pas dans ma vie. J'aurais pu avec mon paternel mais il n'est plus là. Il ne sera plus jamais là. Cette pensée me fout un coup de blues, tel un coup de poignard dans le cœur. Mon père ne pourra plus jamais être là pour moi et me soutenir qu'importe l'obstacle qui se présente devant moi. Il est partit, sans nous dire quoi que se soit. Son silence me pèse encore sur l'estomac. Une remontée acide vient doucement dans ma gorge et me fait totalement changer de registre dans mes pensées. Je ne veux pas vomir devant eux, plutôt me perdre dans le néant. Sauf que je suis déjà perdue dans « le néant » ; celui de la douleur, de l'absence, du manque, de la solitude, de la perte et de désespoir.

Plus rien ne me retient dans son monde. Pourquoi ne partirais-je pas pour voir ailleurs si j'ai ma place ? Ou si le ciel veut bien de moi, lui ? Mon cœur tambourine dans ma poitrine, faisant presque des excès de vitesse. Je veux m'enfuir mais je ne peux pas ; je suis coincée ici dans cette ville et ce lycée pourri à attendre patiemment ma majorité en faisant humilier pour enfin me casser. Pourquoi n'ais-je pas encore 18 ? Depuis CA, je rêve de pouvoir m'envoler de mes propres ailes en laissant toute cette adolescence affreuse derrière moi. Mais le cauchemar n'est pas encore fini. Il ne fait que commencer alors j'ai l'impression que j'en meurs déjà.

Ils partent en me laissant accroupie sur le sol, devant la cuvette avec le visage et les cheveux trempés par l'eau et le pisse. Je donnerais n'importe pour m'en aller de là. Ce n'est ici, ma place. Elle doit être forcément autre part. Sauf que je ne sais pas où. La tentation de partir en courant et de rentrer chez moi ainsi passe dans ma tête mais sort tout de suite après. C'était comme si elle était entrée par l'une de mes oreilles mais qu'elle était sortir par l'autre. Je me redresse en prenait appuie sur la lunette. Je sais très bien qu'elle est sale et j'évite le plus possible d'y penser pour ne pas remettre mon repas dans la toilette. Je ferme les yeux en prenant le plus d'oxygène dans mes poumons. Ma place n'est pas ici, mais ailleurs, vraiment très loin.

« Un jour, tout ce mal-être que j'ai en moi me tuera. »