Chapitre 46

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Je reste bloquée quelques minutes sur son message. Je ne m'attendais pas à une réponse pareille. En réalité, je ne m'attendais à rien du tout. Peu importe ce qu'elle aurait pu me dire dans ce dernier message, j'aurais bloqué dessus de toute façon. Je passe ma main dans mes cheveux nerveusement, les deux mains tremblantes comme si j'avais froid alors que ce n'est pas vraiment le cas. Je secoue légèrement la tête de gauche à droite pour ressaisir. Mes doigts pianotent ensuite sur le clavier de mon cellulaire, écrivant ma réponse.

« Euphorie_Noire : J'aimerais connaître plus de choses à ton sujet. J'aimerais pouvoir te faire entièrement confiance mais si je ne te connais pas un minimum, je n'y arriverais jamais. La confiance, ça doit être réciproque, sinon une quelconque relation ne pourrait fonctionner. Tu as un joli prénom, je trouve. Il est beau, comme toi, sûrement. Tu as l'air si mature et brillante, rien qu'avec les mots.

Tragédie-sanglotée : Que veux-tu savoir de plus sur moi qui pourrait t'être utile, hein ? Rien mais bon, vas-y, pose-moi des questions et en fonction j'y répondrais. Puis, dans cette réalité, c'est toi qui a un talent pour l'écriture et non moi, alors non, je ne suis pas mature et brillante avec les mots. Je suis même une incapable avec eux.

Euphorie_Noire : Je suis sûre que tu pourrais aller loin dans le monde de l'écriture si tu t'en donnais la peine, mais au pire, cela ne me regarde pas encore. Léa, tu as quel âge ? »

Léa a l'air pleine de secrets. Mais ce qui m'intrigue le plus ce n'est pas le mystère qui tourne autour d'elle mais plutôt la douleur qui coule entre les mots et les lettres. Elle doit avoir mal, extrêmement mal et je ne sais pas comment je pourrais bien lui venir en aide. Anna, je choisis son destin et je peux la faire mourir ou revivre quand je veux, où je veux et j'aimerais vraiment pouvoir choisir pour Léa et ainsi rendre sa vie meilleure et toute rose en quelques secondes. Mais j'en suis tout bonnement incapable parce qu'Anna a été imaginé par mes soins alors que Léa est bien réelle, mais aussi, c'est une personne humaine même si je lui parle à travers un écran et une plateforme d'écriture.

« Tragédie-sanglotée : J'ai 16 ans et toi ? Cela te regarde mais jamais je n'aurais assez de confiance en moi que pour prétendre que je suis douée, que j'ai un don ou que j'ai un talent en quoique se soit. Puis, je préfère encore mourir que de me jeter des fleurs, si tu ne l'as pas encore remarqué.

Euphorie_Noire : J'ai 16 ans aussi. Essaye au moins de croire en tes capacités parce que ce n'est pas en te dévalorisant tout le temps que tu arriveras à quelque chose dans la vie. Crois-moi, je m'y connais même si je dois avouer que j'ai aucune confiance en moi ni estime de moi. »

Voilà, je l'ai dis. Je viens de dire à quelqu'un –même si Léa n'est pas n'importe qui non plus- que je n'ai aucune confiance en moi. J'ai vraiment l'impression que personne autour de moi ne s'en était rendu compte. Je viens de le dire à quelqu'un et je n'arrive pas encore à croire que je viens de dire l'un de mes « secrets ». J'espère vraiment que Léa ne se fout pas de ma gueule parce que je suis dans la merde alors. Je ne vaux rien, je ne suis rien et maintenant que je l'avoue presque à quelqu'un qui ne connaît pas vraiment grand-chose sur moi.

Je dois avouer que c'est plus facile de parler à une personne qui ne vous connaît pas, qui ne risque sûrement pas de vous croiser dans la rue qu'à quelqu'un que vous devez voir tous les jours. Je suis obligée de l'admettre parce que c'est la vérité. Parler à quelqu'un d'extérieur de sa vie est parfois beaucoup plus facile que parler avec quelqu'un qui a été spectateur de la scène. Je pince mes lèvres entre elles et inspire un grand coup, redoutant son prochain message. J'ai les mains moites, tremblotantes et le cœur battant la chamade dans ma poitrine. Je stresse de savoir quelle sera sa réaction et les mots qu'elle me balancera à la figure.

Si elle m'envoyait me faire voir ailleurs parce que je n'ai aucune confiance en moi, que je ne vaux rien et que je ne suis rien –même si je pense que je commence à devenir quelque chose et quelqu'un- je ne le supporterais pas. J'en mourrais parce que c'est la première personne depuis si longtemps à m'avoir ouvert ses bras et son cœur, malgré que ce ne soit que le début de notre relation qui –je l'espère-deviendra une belle, grande et forte amitié. J'aimerais tellement que cela arrive.

« La peur peut nuire à n'importe qui ; elle broie les estomacs et les bouffes. »


Mise à partWhere stories live. Discover now