Chapitre 32

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Timothy prend place juste à ma gauche sur le grand siège en cuir posé devant le piano sur lequel j'étais assise, auparavant toute seule, depuis tout à l'heure. Nos bras se frôlent et se touchent et je ne sais pas vraiment je suis censée réagir face à un contact si doux avec un adolescent alors que les seuls contacts que j'ai habituellement avec des personnes de mon âge sont très minimes et souvent agressifs et douloureux.

Je me raidis sous le coup, essayant de paraître naturel mais il est aussi raide que moi. Mes poils se hérissent même parce que pour une fois, ce n'est pas un coup de que je reçois ou encore, que je dois anticiper pour sauver ma misérable peau.

-Tu veux que je t'apprenne quelques notes ? Demande le jeune homme aux cheveux noirs luisants sous la lumière avec tout le gel qu'il a du mettre dans sa touffe pour faire tenir le tout.

Je lui souris en guise de réponse. Je crois vraiment que je n'ai plus de langues. Il est plutôt mignon mais n'est clairement pas mon style. Les coincés comme moi ne me vont pas parce que je crois que j'ai vraiment besoin de quelqu'un qui me fait sortir de ma coquille et me fait tester mes limites. Comment pourrais-je savoir ou déduire une chose pareille alors que je n'ai jamais été en couple de ma vie ? Je me sens vraiment conne sur le coup parce que je n'y connais strictement rien en amour et je suis encore en train d'essayer de deviner quel est mon type d'amour.

Il place ses doigts sur quelques touches et appuies ensuite dessus dans un rythme spécifique et joue une mélodie. Je souris inconsciemment et ne m'en rends compte uniquement quand il me regarde et que son sourire est énorme avec des étoiles dans les yeux. J'ai toujours aimé voir les prunelles de quelqu'un briller comme s'il y avait un millier voire même un million d'étoile dedans. On dirait le ciel en pleine nuit même si la couleur des yeux n'est pas un bleu foncé. Il continue sa mélodie, reprenant depuis le début mais avec de nouvelles touches au point où je ne suis déjà plus.

Je ferme les yeux et me laisse bercée par les notes telle une berceuse dont je n'ai jamais eu le droit durant mon enfance. Quand je pense que presque tous les enfants de cette planète ont eu le droit à une chanson, une berceuse ou encore à une comptine chantonné, fredonné par les parents ou un CD ; j'en suis outrée parce que jamais je n'ai eu le droit à cela. Quand il arrivait que mon père soit absent durant la nuit ou la journée pour une raison ou pour une autre et qu'il n'y avait que maman, elle me laissait pleurer sans rien faire. Comme quoi, j'ai toujours eu une préférence pour mon père mais cela, je le cache à tout le monde depuis la nuit des temps. Même Arthur ne le sait pas.

Il fait une chanson entière, heureux et calme à côté de moi alors que je perds entre les notes de cette douce mélodie qui sonne tellement mieux à mes tympans que les voix d'Arthur, Julio et Kilian qui me crient dessus des affreusetés les plus ignobles les unes que les autres ou encore que les mots de mes deux frères ou encore de ma génitrice. La musique est tellement apaisante quand elle parle pour nous de notre chagrin, de notre peine, de notre âme blessée ou encore de nos désirs les plus secrets, de nos fantasmes les plus intimes, de nos péchés-mignons ou encore de notre bonheur. La musique transporte les mots sur la mer de la vie.

-Tu as aimé ? S'interroge-t-il en tournant le regard vers moi pour examiner ma réaction avec ses prunelles vert claire.

Pour simple réponse, je continue de sourire jusqu'à en avoir mal jusqu'aux oreilles. Il a réussit à égayer ma journée de nouveau. Je m'étais levée de bonne humeur, celle-ci avait dégringolé dans la journée et maintenant, il me l'a remit en route pour mon plus grand plaisir. Je pourrais lui faire un câlin et le serrer dans mes bras mais je me vois vraiment mal apposer ce geste surtout les circonstances. De plus, je ne veux pas qu'il commence à se faire des idées et des films qui seront complètement à côté de la plaque par rapport à la réalité.

Il doit sûrement voir que je suis heureuse avec les étoiles que je dois me taper dans les yeux. Il sourit encore plus grandement –si cela est encore possible- et replace ses doigts sur les touches blanches et noires, jouant une nouvelle mélodie qui panse mon cœur. Je devrais vraiment apprendre à faire du piano pour panser moi-même cet organe qui subit énormément en étant dans mon être fragile et martyrisé. Je doute que je saurais supporter cela encore longtemps mais pour le moment, la pente remonte un peu et mon cœur en jubile intérieurement. Les choses changent et la roue tourne.

« Rien ne sera jamais pareil deux fois. Il y aura toujours un facteur qui changera quelque chose. »



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