Chapitre 73

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Je me retrouve au parc où j'ai failli mourir. Mes mains tremblent toutes seules. Je ne peux empêcher mon corps tout entier de trembler parce que j'ai peur de revoir Lionel ou Timothy ici. Je ne supporterais pas d'en revoir un des deux. Je n'y survivrais pas, ou bien je me tuerais ou bien ils me tueraient pour de vrai ou intérieurement. Mais je crois que ce n'est plus possible de me tuer intérieurement, je dois être déjà morte depuis longtemps, depuis la mort de mon père. Je ne vis depuis ce jour où on m'a apprit à sa mort, où je l'ai vu mort même. Cette vision me revient en pleine figure alors que j'allais m'asseoir. Je ne réalise pas que le banc est plus bas, je perds l'équilibre et mon corps entier –surtout mes fesses- se retrouvent sur le banc sans aucune douceur. J'ai mal au derrière encore plus qu'avant, comme si cela ne suffisait pas ce que Timothy m'avait fait.

Je me prends la tête entre mes mains et souffle un grand coup alors que la douleur me mitraille le bas du ventre, mes fesses, mon cœur, ma poitrine, mon cou, mon amour propre, mon estime de moi-même, mon âme, mon esprit, mes entrailles. J'ai putain de mal et c'est bien trop douloureux à supporter pour moi, c'en est trop pour moi, trop que je puisse encore supporter. Je n'arrive plus à contenir toute cette douleur que j'ai refoulé en moi durant toutes ces années, toute cette douleur que j'ai accumulé et placé dans mon cœur pour que personne ne la voit et que pour essayer de l'oublier aussi. Cette douleur a prit trop d'importance dans ma vie que pour je ne l'oublie, que pour que j'essaye de la faire disparaître. Je suis bien trop souffrante que pour être sauver.

Je me redresse et me cale dans le fond du banc, les mains sur mes cuisses. Le regard vers l'horizon, je pars dans mes pensées. Mais les pensées sont toujours douloureuses, terrifiantes, soûlantes, dévalorisantes, subjectives, horribles, sadiques et abominables. Mes pensées sont toujours tournées vers la douleur pour me rappeler à quel point je suis mal, comme si je ne le savais pas déjà, comme si je n'étais pas au courant moi-même que j'allais mal, comme si je ne m'étais jamais aperçue que ça n'allait pas bien à l'intérieur de moi.

Je déteste penser parce que c'est douloureux, que ça me paralyse et que ça ma renvoie, surtout, à tout ce qui me fait peur et que je fuis tant bien que mal. Les pensées, c'est un renvoie à la réalité qui te fait partir bien loin de la réalité du monde. Les pensées t'emmènent ailleurs alors qu'elles consistent à la réalité. Les pensées sont des putains de sadique et de fourbes qui te martèlent le cerveau et le cœur avec le plus de choses qui te font de mal et tu ne peux pas les fuir parce qu'elles sont en toi et qu'elles sont toi. J'aimerais vraiment ne plus savoir penser parfois, comme maintenant parce que je me demande ce que j'ai bien pu faire au bon Dieu pour mériter une telle merde comme vie alors que je n'ai jamais prié et que je ne crois pas en Dieu.

Je passe ma main dans mes cheveux alors que je sors mon cellulaire de mon sac. Il n'a pas une seule griffure et cela me remonte un peu le moral. Juste un peu parce que rien ne pourra réparer ce qui c'est détruit en moi, rien ne pourra jamais y changer quoique se soit. Je soupire alors que je le déverrouille. J'ai vraiment peur de ce que je pourrais trouver dans mes messages privés. Je n'ai pas envie de tomber sur quelque chose qui pourrait me faire chuter encore plus que je ne le suis déjà. Je n'ai pas envie de tomber pour de bon alors que j'ai encore un petit peu d'espoir que je puisse me relever. Mais cet espoir est sûrement déjà envolé mais j'essaye d'y croire parce que c'est trop dur de se dire que c'est définitivement la fin.

Parce que oui, c'est la fin pour moi, c'est même la fin de tout. Je ne peux pas supporter ce poids supplémentaire qu'est mon viol sur mes épaules. C'était déjà trop lourd pour mes frêles épaules et maintenant, on en rajoute encore un coup comme si ce n'était pas déjà assez suffisant. Je soupire alors que j'entre mon pseudonyme et mon mot de passe. Je n'ai pas envie d'apprendre quelque chose de mauvais parce que ce serait vraiment signer mon arrêt de mort, comme si j'étais destinée à souffrir et à me suicider ou simplement mourir aujourd'hui. Le monde doit être entièrement ligué contre moi malgré que Léa m'a avoué ces sentiments, qu'elle m'a dit qu'elle m'aimait et dans le fond, je crois que c'est bien la seule à véritablement m'aimer et à véritablement s'en faire pour moi.

Je vais directement dans mes messages privés après avoir répondu à quelques commentaires, comme j'ai l'habitude de faire. Je réponds à quelques personnes qui avaient quelques questions ou qui voulaient simplement me taper la discussion. Je ferme les yeux et je prends une grande inspiration lorsque je vois que Léa m'a répondu. Léa, ma Léa. Je l'aime tellement que s'en est fou, absurde et que cela devrait être interdit. Et c'est sûrement pour cela qu'on ne peut pas se voir ni se toucher, que notre relation se limite qu'à des messages privés sur cette plateforme d'écriture, parce qu'on s'aime tellement qu'on nous limite.

Mais j'ai vraiment envie de passer au-dessus de tout cela, de toutes ces limites qu'on nous impose. J'ai envie de pouvoir la prendre dans mes bras, de la toucher, de passer ma main dans ses cheveux dont je ne connais même pas la couleur, de passer ma main sur ses joues et d'essayer toutes les lacrymales qui y couleront jusqu'à sa mort, de lui toucher le bout de ses lèvres avec le bout de mes pouces, de l'embrasser comme jamais personne ne l'avait fait, de lui faire l'amour s'il le faut, de la serrer dans mes bras jusqu'à l'épuisement. Ces mots sont toujours bien plus forts et ont bien plus d'effets sur moi qu'elle ne pourrait jamais y croire. J'aimerais vraiment que nous puissions nous dire que nous nous aimons dans les yeux, sans jamais fuir.

« Tragédie-sanglotée : Je t'aime Sophia, tellement. Je suis désolée de ne pas pouvoir te serrer dans mes bras, de ne pas pouvoir t'embrasser comme je le devrais. Je suis désolée de ne pas être celle qu'il te faut, encore et toujours. Or, tu dois bien te douer de la puissance de mes sentiments parce que pour moi, « je t'aime » n'est pas le mot à dire à tout le monde et n'importe qui. Tu es la même première personne à qui je le dis, pour être honnête et franche avec toi. Mais je ne peux plus supporter cette vie, surtout si je dois être loin de la personne que j'aime, de la seule personne que je n'ai jamais aimé. Je ne le supporterais pas indéfiniment. Je veux bien rester encore quelque temps, juste pour toi mais je devrais bien te dire « adieu » un jour, c'est inévitable. Reste forte en attendant que je puisse venir te serrer dans mes bras et t'embrasser au moins une fois avant de mourir. Si tu veux, on pourra même mourir ensemble comme Roméo et Juliette sauf que nous serons deux Juliette et qu'il n'y aura pas de Roméo. Alors ?

Euphorie_Noire : Je t'aime tellement Léa. Mourrons, vivons, ensembles. Embrassons-nous jusqu'à en mourir et aimons-nous jusqu'à en vivre. Léa, je pourrais mourir pour toi. »

Mes doigts avaient tapés touts seuls sur le clavier tactile de mon téléphone. Je ferme les yeux et prends une grande inspiration. Je fouille dans mon sac et redécouvre que j'avais un paquet de cigarettes dedans depuis au moins des lustres même si c'est techniquement impossible. J'en sors une alors que le paquet est presque plein. Je l'apporte à mes lèvres, je trouve aussi le briquet dans le paquet et allume le bout de ma clope. J'en tire une latte, fermant les yeux avec le sourire aux lèvres. Ce n'est un vrai sourire, doux et éclatant comme la pleine lune ou encore rayonnant et éblouissant comme le soleil. Non, c'est juste un sourire comme n'importe qui pourrait en sortir, comme n'importe qui pourrait en avoir constamment sur les lèvres. Un simple étirement des lèvres.

« L'amour peut sauver des vies et donner des ailes, mais il peut tout aussi plonger les gens et les mettre à la morgue avant l'heure. »




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