Mise à part

Chapitre 40

-J'aurais dû être un meilleur frère, dès le départ. Ainsi papa, n'aurait pu lutter pendant quelques mois de plus contre la maladie puisqu'il n'aurait pas eu peur de te laisser seule dans ce monde, chuchota mon frère, la voix ailleurs.

Ma respiration se coupe parce que je ne m'attendais pas à un tel aveu, même si dans le ton de la voix de mon frère, qui est chevrotante, on sent qu'il a bu. Ou alors, ce sont des larmes qu'il essaye de retenir qui lui donne une voix tremblante et hésitante. Je ne saurais le dire, en faite. Mes yeux sont toujours fermés ou alors ils sont ouverts mais comme il fait noir dans la pièce, je ne saurais dire lequel des deux. Puis, au final, cela n'a que peu d'importance face aux mots de Jeremy. Encore une fois, il me met sur le cul parce que je n'aurais jamais cru entendre une seule fois dans ma vie, mon frère aîné dire de pareilles choses. Je n'arrive pas à en croire mes oreilles. Il m'épate parfois et là –une fois de plus en peu de temps- il le fait.

-Tu es si mature et intelligente. Tu es si précieuse et si belle malgré que l'autodestruction se lise sur tes lèvres. Tu es fragile alors que tu es pourtant tellement forte à l'intérieur. Je t'envie Sophia, parce que jamais je ne pourrais être aussi fort que toi, jamais je ne pourrais arriver à ta cheville. J'ai honte d'être ton frère parce que je dois faire tâche à côté de toi, tellement que je suis faible et que tu es forte. Ton cœur et ton âme sont aussi solides que du roc alors que je divague dans l'alcool, dit-il en lâchant un soupire de soulagement à la fin.

J'ai l'impression qu'il a un poids de moins sur ses épaules solides et pourtant frêles en réalité depuis qu'il vient de débiter toutes ces phrases et ces compliments. Sûrement qu'il le fait parce qu'il croit que je dors. Peut-être que je pourrais me reposer sur lui à présent ? Peut-être que je pourrais lui faire confiance ? Peut-être que je pourrais enfin le considérer comme un vrai frère ? Peut-être qu'au lieu de me faire du mal, il va me protéger ? Sauf que je n'ai pas envie d'y croire ni d'y espérer parce qu'il pourra toujours me faire du mal. Rien qu'en pensant aux coups qu'il m'a mit l'autre jour –la dernière fois qu'il a levé la main sur moi- est douloureux et j'en passe les détails.

-Je m'en veux pour tout ce que je t'ai fais. Tu ne le sais sûrement pas, mais je suis empli de regrets envers toi. J'aurais dû te protéger depuis le début, depuis ta naissance au lieu d'être jaloux que papa s'occupe plus de toi que de Lionel et moi. Tu avais pris son cœur entre tes mains, arrivée au bon moment pour améliorer ses journées alors que Lionel et moi qui étions là depuis plus longtemps n'étions qu'une putain de tâche dans le décor, s'enquit-il la voix cassée. Je n'avais que 6 ans que tu es née mais j'avais déjà compris ce qui se tramait. Lionel et moi te faisions du mal parce qu'on était jaloux. Tu nous as privé de notre papa, Sophia et il est mort avant qu'on ne rattrape nos tords. J'aimerais changer les choses et revenir en arrière, mais nous savons tous les deux que c'est impossible. Papa est mort maintenant et au lieu de te protéger comme j'aurais du le faire dès ta naissance, je t'en ai voulu. Maintenant, je compte bien essayer de te sauver parce que le devoir d'un frère n'est pas d'enfoncer sa sœur mais de la sortir de l'eau quand elle se noie, marmonna-t-il.

Je n'en revenais pas et un sanglot m'échappa mais je crois qu'il est bien trop dans ses pensées et en train de tenter de contenir ses larmes que pour me prêter attention. Ses mots me touchent et me blessent, pénètrent juste là où il faut dans mon cœur pour me rendre encore plus fragile et susceptible de lui pardonner. Comment peut-il faire une chose pareille ? Je n'en reviens pas qu'il puisse être comme ça. Le monde l'a délaissé et maintenant, il serait capable de reprendre tout en main de ce que papa a laissé tomber en morceaux quand il est mort et tout réparer.

« Les frères et les sœurs peuvent se chamailler autant qu'ils le veulent, ils ont quand même cette sorte de besoin et de devoir de se sauver et de s'entraider. »