Chapitre 28

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Je me réveille doucement alors que le soleil filtre dans ma chambre par petits faisceaux lumineux éparpillés aux quatre coins de ma chambre. Je regarde mon plafond, les étoiles encore accrochées. La plénitude et le calme psychologique que j'ai ressentis n'était donc pas un rêve. Je souris doucement, calant ma respiration sur le chant des oiseaux à l'extérieur, sûrement sur l'un des poteaux électriques dans la rue. Cela fait quelques mois que je ne m'étais pas réveillée de si bonne humeur. Depuis Sa mort, tous les matins avaient été moroses et pénibles.

Je crois que je commence à retrouver goût à la vie même si la culpabilité de vivre alors que Lui ne peut plus me ronge le cœur. Je tourne doucement la tête sur le côté pour voir le soleil et ferme un instant les yeux, les rouvrant un peu plus tard. Je respire pour la première fois depuis si longtemps que je ne me rappelle même pas quand était justement cette dernière fois. Elle me paraît tellement lointaine que si elle était inexistante ; ce qui est peut-être le cas, en faite ?

Je prends une grande inspiration et sors de mon lit alors que ma mère toque et ouvre directement la porte. Mon sourire est toujours placardé sur mes lippes et ma génitrice me regarde étrangement. Elle n'a jamais été habitué à me voir sourire parce qu'elle n'était que rarement là quand je le faisais. Ça doit lui faire vraiment tout drôle mais je préfère m'étirer que de penser à ce que ma mère pourrait conclure de mon sourire matinal. J'ai encore l'impression d'être dans un rêve tellement que c'est « tout nouveau » pour moi. Ça faisait tellement longtemps que cela me fait encore plus de bien.

Ma maman s'en va, les sourcils froncés et les pas lourds. Elle n'est pas heureuse que je le sois. Je le sais, c'est peint sur son visage mais je m'en fous. Après toutes les horreurs que j'ai vécu dans ma vie, j'ai bien le droit à m'accorder un petit moment de bonheur et de répits autre qu'en regardant les étoiles et qu'en écrivant. Je fredonne un air d'une chanson que j'aime sans arriver à remettre le nom dessus.

Je taperais les paroles dont je me souviens sur la barre du moteur de recherche « Youtube » ou « Google » et je retrouverais la chanson en question qui me met vraiment de bonne humeur. Je ne veux clairement pas que cette journée change de position parce qu'elle commence très bien et elle devrait bien se finir. Ce qu'il a entre les deux ne dépend pas de moi, certes, mais je ferais avec.

Je me dirige à petit pas, presque en sautillant et en volant, vers la salle d'eau. Je toque pour vérifier qu'il n'y a pas personne mais malheureusement pour moi, Jeremy a dû terminer sa soirée-là parce qu'avec la bouche pâteuse, il balbutie des mots de l'autre côté de la porte. Je ne vais pas le déranger plus longtemps alors qu'il encore en train de se remettre de sa cuite. Il boit sûrement parce se remettre –à sa manière- de la mort de notre père.

Ou alors, c'est qu'il a besoin d'oublier tout ce qu'il a fait de mal et qu'il a eu de mauvais dans sa vie. Je ferais peut-être bien de le rejoindre pour me bourrer la gueule moi aussi, non ? Sauf que l'idée de me réveiller dans une marre de vomi qui n'est peut-être pas le mien, d'avoir fait l'amour avec un inconnu ou encore de me péter la gueule sur le bitume à chacun de mes pas n'est pas vraiment ce qui me tente pour le moment. Certes, j'ai déjà goûté à tout cela mais je passe mon tour pour le moment d'en abuser.

Je continue ma route alors en retournant pour me changer dans ma chambre. Je suis vraiment de bonne humeur ce matin, moi-même je le ressens. J'ai toujours ce sourire plaqué sur les lèvres et je ne crois pas qu'il partira aujourd'hui ; du moins pas pour le moment. Je me change dans ma chambre, veillant à ce que mes stores soient biens fermés pour ne pas qu'un voyeur ne vienne me déranger. Puis ce qu'il aurait sous les yeux le dégoûterait sûrement parce que le reflet dans le miroir est complètement l'opposé de ce que je voyais dans ma tête.

Mon visage rayonne, certes, mais le reste de mon corps toujours aussi pâle avec les cheveux plats et ternes, mes tâches de rousseurs presque invisibles et mes os saillants n'est pas vraiment ce qu'il y a de plus beaux à voir. Mes omoplates et mes clavicules sont extrêmement visibles, peu importe comment je me mets face au miroir ; mon corps me renvoi vers la véritable vie que j'ai qui est totalement contraire à ma bonne humeur et à mes rêves d'enfants comme d'adolescentes. Je m'habille rapidement, enfilant à la vitesse éclair mes fringues.

Je tire mes longues manches vers l'avant pour bien cacher l'état de mes poignets dont les cicatrices de mes dernières mutilations sont encore bien visibles parce qu'elles ne sont pas encore cicatrisées. Je lève un instant le regard au ciel pour demander à mon père de me donner le courage de garder ma bonne humeur, déjà mise à l'épreuve de si tôt matin, jusqu'à l'heure de me coucher.

« Le bonheur n'a pas de propriétaire spécifique. Il appartient à tout le monde et à personne en même temps. Il suffit juste de tendre le bras et de le toucher pour qu'il vous ouvre ses bras. »



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