Chapitre 33

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J'attends, sur le parking de l'école, l'arrivée de ma « maman ». Je ne sais pas ce qu'elle fout pour être en retard parce qu'habituellement, elle est déjà là. Sûrement qu'elle me déteste trop que pour venir me chercher à l'heure de d'habitude. Je tapote mon pied frénétiquement sur le sol, m'impatientant face au temps que ma maman prend pour arriver.

Je vais finir par croire qu'elle a oublié de venir me chercher –ce qui ne m'étonnerait pas en passant. Je jette un coup d'œil à l'heure sur mon téléphone pour remarquer que cela fait presque une heure que je l'attends. La musique dans mes oreilles m'empêche de voir le temps défiler à une vitesse hallucinante.

J'entends le vrombissement du moteur d'une voiture que je connais par cœur. Je la reconnaîtrais en mille de toute façon parce que ce sont a été une empreinte de mon passé et qu'il a fait une partie de mon enfance. Mon père mettait parfois le moteur en route et le faisait vrombir juste pour me voir sourire et me dire que « Plus tard, tu pourras faire pareil avec tes enfants et sache que c'est un moment merveilleux de voir l'éclat d'un sourire enfantin et avec du rêve dans le regard ».

Mon père avait toujours les bons mots. Il avait ceux qui vous coulaient dans les oreilles, vous caressaient le cœur et traversaient votre peau pour s'imprégner dedans. Mon père avait l'âme d'un auteur. Il avait un tel respect pour ces petites choses constituées de lettres que certains détruisent. Il aimait les mots bien plus qu'il ne s'aimait lui-même. Je dirais même qu'il aimait parfois les mots plus qu'il ne m'aimait. Cette pensée me sert la gorge alors que la voiture s'arrête devant moi.

Je prends mon sac à dos et le mets sur mon épaule droite, me rendant jusqu'à l'automobile stationnée juste devant moi mais du mauvais côté. Autrement dit, je dois faire le tour pour entrer dans la voiture. Je fais donc le tour de celle-ci et prends place sur le siège avant quand le véhicule qui passait n'était plus sur mon chemin. Je dépose mon sac sur le sol, entre mes deux jambes et m'attache. J'ai les nerfs en feu parce qu'elle est arrivée en retard. Peut-être que je ne devrais pas mais il y a quand même une limite. Elle ne me dit rien, ne pipant pas un mot et remet le contact, s'élançant sur la route sans même me jeter un regard ou vérifier si je suis seulement attachée.

« Elle s'en fout totalement de toi ! » Me crie ma putain de conscience qui n'a pas tord sur le coup.

Je contracte la mâchoire, croisant les bras sous ma poitrine et me calant dans le siège passager. Ou celui surnommé « la place du mort ». Je n'en ai aucunement idée de si j'ai plus de chance de mourir entre les mains et les coups d'Arthur, Julio et Kilian qu'à la place du mort avec ma mère au volant. Pour être honnête, je ne préfère même pas me poser la question sinon je vais finir par devenir paranoïaque. Je passe ma main dans ma chevelure rousse et dévisage le paysage qui défile sous mes yeux. Je suis énervée et ça doit être peint sur mon visage pour que ma mère le remarque.

-Sophia ! Crie-t-elle soudainement me sortant de mes pensées. Arrête d'être comme ça ! Ce n'est pas si grave que je sois en retard ! Vociféra-t-elle ensuite. Ne me réponds pas où tu dormiras dans la cave ! Me menaça-t-elle quand j'ouvris la bouche pour lui répondre.

Je me rembrunis directement. Je ne veux pas dormir dans la cave. Puis, comment elle pourrait m'y obligée ? Elle va levée la main sur moi peut-être ? Papa se retournerait dans sa tombe alors. Puis je crois qu'elle a encore trop de respect pour mon père que pour lever la main sur leur fille qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau. Enfin, pas vraiment comme deux gouttes d'eau.

Nous sommes tous les deux roux avec un visage mi-ovale mi-rond, des dents blanches alignées parfaitement et un sourire plein de sens, une passion pour l'écriture, des doigts volant que les touches du clavier et des yeux émeraudes clairs, une passion pour les étoiles, une vie mouvementée et cet instinct de survie et de protection mais surtout, ce cœur énorme et pur martyrisé.

Il était bien plus grand que moi, carré et imposant. Il était bâtit comme une armoire à glace alors que je suis un squelette avec la peau sur les os. Je suis frêle et les os saillants alors qu'il était charismatique et tendre. Je suis exclue et morte alors qu'il vivait le sourire aux lèvres et l'amour dans le regard. Il avait beau faire peur avec sa grande taille, sa musculature forte et sa force, il était tellement tendre et chaleureux en vérité. Sa personnalité ne collait pas vraiment avec son physique. Je crois que le second avait changé à cause de ces années au collègue et au lycée.

Nous arrivons devant la maison et ma mère n'a même pas le temps de couper le moteur que je sors du véhicule en prenant mon sac à l'arrache, claquant la porte derrière moi. Je sors mes clefs et pénètre dans la maison, claquant aussi cette porte sans demander mon reste. Je file jusque dans ma chambre avant que les larmes ne coulent sur mes joues, claquant la porte de cette pièce qui est mienne, la verrouille ensuite à clé et me laisse tomber sur mon lit, fixant les étoiles au plafond avec le sourire de mon père en arrière plan.

« L'espoir peut tuer un homme mais peut sauver tout un peuple. »



Mise à partWhere stories live. Discover now