Chapitre 41

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Je secoue la tête négativement alors que Jeremy lève les yeux au ciel. Il ne me croit pas quand je lui dis que je vais bien. C'est si flagrant que ça, que je ne vais clairement pas bien ? On dirait que c'est le seul à voir. Même moi, mon sourire hypocrite et faux que je vois dans la glace me paraît réel. Si je ne savais pas moi-même que je souriais pour de faux, j'y croirais comme une conne. Mon frère passe sa main dans ses cheveux alors qu'il jette un coup d'œil au mur et au sol, de l'autre côté de mon lit.

-Tu n'as plus mal ? Demanda-t-il soudainement alors qu'un voile surplombait ses iris chocolat.

Je secoue de nouveau négativement la tête alors qu'il m'avait posé la même question précédemment. Ça ne me fait plus mal, mais ça m'a fait mal. La douleur n'est plus là, comme un fragment du passé. Cet instant de douleur et de sang n'est plus rien dans le présent qu'une trace sur le sol, qu'une trace sur le mur et qu'un dégât sur ma tête caché bien convenablement sous mes cheveux enflammés. Ils sont comme le feu, des braises qui ne sont pas prête de s'éteindre. Cette pensée me fait sourire alors que mon frère aîné ne cesse de fixer le sang sur le mur et le sol.

-Je n'ai plus mal... C'est bon Jeremy, arrête de t'en faire pour ça, ce n'était rien.., murmurais-je.

Il tourne la tête vers moi, l'air interloqué. J'ai la nette impression qu'il ne me croit pas alors que pourtant, je n'ai plus mal. Je me sens bien, si on va vraiment à l'extrême. Je ne me sens pas bien mais je ne me sens pas mal non plus. Je me sens mitigée, dans un entre-deux plutôt confortable. J'ai toujours cru qu'il fallait être bien ou mal, qu'on ne pouvait pas se trouver entre les deux mais en fin de compte, se retrouver là est bien mieux que tout parce qu'on ne craint pas trop ni la douleur ni le bonheur puisque c'est un mélange infime des deux.

-Je le jure ! M'écriais-je pour qu'il comprenne que j'en ai marre de ce sujet de conversation.

Jeremy passe sa main dans ses cheveux et me lance un regard en biais, un tout petit coup d'œil que j'ai remarqué alors qu'il croit que ce n'était pas le cas. Il leva les yeux au ciel pour la unième fois depuis que l'on parle de ma « folie ». Il l'appelle ainsi du moins alors que pour moi, cela représente une « libération ». Nous ne sommes pas encore totalement sur la même longueur d'ondes parce qu'il est alcoolique et avide de la sensation de vivre alors que je suis terne, dépressive, suicidaire, anorexique et que je mutile. Il rayonne quand il n'est pas violent ou qu'il n'a pas vu alors que je ne suis rien. En fin de compte, c'est peut-être lui qui ressemble le plus à papa et non moi.

-Tu as eu mal sur le coup ? Cela t'a fait du bien ? S'enquiert-il soudainement, brisant le silence entre nous.

Je relève les yeux vers lui alors qu'il continue de fixer l'endroit où je me suis défoncée le crâne. Je suis vraiment surprise par ces deux questions, ne m'y attendant sûrement pas. Je me braque parce que jamais je n'aurais aimé à répondre à de telle question. Mon cœur part en vrille tandis que mes battements s'affolent et ralentissent soudainement ; changeant de vitesse à une cadence insupportable. Je ne sais même pas si je devrais lui répondre franchement ou si je devrais lui mentir. Et puis, pourquoi est-ce qu'il pose de pareilles questions ?

Il m'étonnera toujours alors que ses prunelles marron convergent vers moi. Il attend une réponse que je ne sais même pas si j'ai envie de la lui donner. Les seules fois où j'ai parlé de se faire du mal physiquement pour oublier la douleur psychologique, pour contrebalancer et remettre la balance correctement avec un poids égal des deux côtés, étaient avec des personnes –principalement des adolescentes d'environ mon âge- sur des réseaux sociaux et surtout sur « WordsWorld ». Jamais je n'aurais envisagé qu'un de mes frères me poserait la question. Je n'ose pas le regarder plus longtemps et baisse la tête, regardant mes doigts plutôt que l'intensité de ses prunelles chocolat et joue avec pour m'occuper un peu l'esprit. Je ne veux pas répondre à ses deux putains de questions.

« Une âme torturée cherchera toujours après la lumière, jusqu'à ce qu'elle aura comprit que c'est elle, la lumière. »



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