J'aimais faire semblant de ne pas le voir. Ce regard sobrement gris, ce regard injustement diamant, ce sourire diablement beau qui menaçait de me faire succomber. Pourtant, il était là, dessiné sur son foutu visage, alors qu'à quelques mètres siégeait notre déesse guerrière, yeux glués sur l'écran télé.

Il me narguait de ses doigts, ses doigts qui traçaient sur ma cuisse le souvenir de la veille, ses doigts qui murmuraient souviens-toi, souviens-toi, rappèles-toi comme je suis le marionnettiste et toi la marionnette, souviens-toi comme je joue tes notes, habile pianiste, souviens-toi comme je suis roi des vallées de ton corps, souviens-toi comme je suis le poète et toi le vers.

J'avais envie de le gifler.

Gifle amicale. Gifle de celui qui veut prouver qu'il a raison. Même s'il a tord. Ne serais-je pas un peu sophiste sur les bords? Masochiste, plutôt. Lui et ses foutus doigts. Et ses foutus sourire. Et sa foutue chevelure bronzée. Sa foutue gueule de guerrier. J'avais encore envie de l'embrasser. Mais Athéna rodait, obstacle à mes pensées homosexuellement flamboyantes, enflammées, agonie poétiquement homoromantique.

Ses doigts dorées remontaient vers ma main, main dépliée qui hurlait, qui souffrait, qui n'attendait qu'une chose— la sienne.

Putain de poésie du corps, putain de lyrisme corporel, romantisme sensuel.

J'avais envie de gueuler que je le détestais, juste pour réduire à néant cette tension dans mes épaules, dans ma tête, dans ma poitrine. Je te hais, je n'aime pas la brioche dorée qu'est ta peau, je hais tes épaules veloutées, ton bidon rebondi, tes joues-chérubins, tes ailes de bambin. Sauf que ça n'était pas vrai, que je mentais par mes trous de nez, que je le savais, je ne pouvais haïr la figure parfaite du bonheur.

Putain.

Qu'est ce que tu as fait de moi, Apollon? Qu'est ce que tu as fait de moi, petit con?

Suis-je devenu une bougie fondue, coeur amolli par tes douces flammèches parfumées? Suis-je réduire à attendre, affamé, le contact de ta peau briochée? Suis-je réduit à ta séductrice tentation, sourire de vainqueur plaqué sur ton visage moqueur? Tu sais que tu as gagné, tu sais que je suis plaqué, tu sais que j'ai succombé. Connard.

Hector, Hector, que diable vais-je faire de toi?

AchilleWhere stories live. Discover now