1 appel manqué.
Message jamais envoyé.

Achille, je sais que tu m'en veux. J'men veux aussi. Mais je crois qu'un jour je me suis réveillé et j'ai vu la taille de ton coeur face à mon nez. J'ai vu la souffrance que j'allais t'apporter— mon corps brasier ne suffirait pas pour ton coeur jamais rassasié. Tu as besoin d'une âme aussi fluette que le printemps, pas aussi muette que l'hiver— temps aboli par des vers rabougris. Tu as besoin de tant, je ne suis qu'étang, je suis rien, je suis anéanti— étant donné que je t'aime, je t'haine, je t'aime, t'haine, telle une rivière jamais assouvie jamais rejetée jamais amenée à quitter son lit. Achille, je sais que tu ne me comprends pas. Je suis assis sous un abris bus loin de chez toi— chez moi— chez nous— et j'ai froid. J'ai froid parce que tu n'es pas là, j'ai froid parce qu'il pleut et que je me noie, j'ai froid parce que sans toi je suis creux et vide comme une coquille, celles qu'on trouvait au bord de la mer, t'en souviens, Achille? J'ai froid, putain, j'crois que je claque des dents. J'ai envie de t'appeler mais je n'ai pas le droit, tu m'as déjà appelé quatre cent mille fois et si je t'appelle, si je réponds aux appels de phare je vais couler et je ne pourrais pas remonter. J'ai froid, j'ai envie d'avoir le droit de t'entendre, j'ai envie d'avoir la force de t'aimer mais je suis pas assez et j'ai peur. Je ne peux que te fuir pour espérer pas te— me— nous— blesser. Je suis monstrueux, Achille, tu as toujours eu raison , j'ai toujours été un monstre, je ne serai jamais assez. Je suis monstrueux, avare, ignare, je suis la pire chose qui t'ai arrivé. Je m'excuse. Putain. Achille, j'ai froid, j'aimerais tant que tu me vois, là, assis par terre entre Baudelaire et Hugo, j'ai relu ce livre que t'aimais tant en attendant un bus qui n'arrivera pas, en voyant ton prénom découler une, deux, quatre, vingt fois sur l'écran de mon téléphone. Je l'ai balancé loin de moi, il est fissuré maintenant, pile entre ton A et ton C. J'ai vu la taille de ton coeur face à mon nez, et le néant en moi m'a empêché de te renier, je voulais t'avaler pour me remplir et tu suffisais amplement, mais j'aimais tant t'aimer— être aimé— que j'ai dû te renier afin de pas t'achever. Putain. Je t'aime, il fait froid, j'ai si froid sans toi, le feu dans mes entrailles c'est éteint et j'ai peur de ce qu'il va m'arriver. Je vois des phares au loin, entre deux mirages. Mon bus arrive. Bientôt je ne serais plus en île de France, bientôt je quitterai les souvenirs que j'ai de toi— tes larmes, tes cris, ta haine, ton amour, mes soucis— bientôt mon âme disparaîtra à jamais. Achille, je suis tellement désolé. J'espère que tu es heureux, tout de même. Que tu écris. Que tu ne te laisses pas fondre entre les méandres des cendres défense immolée. Je t'aime. Bonne nuit, mon âme.

Voulez-vous effacer votre message?

Oui.

AchilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant