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qu'il est doux d'être et entouré de blousons en cuir à l'odeur de cigarette,

qu'il est grisant de parler tut bas quand tu approches.

quand vient le soir et que le gris a tout enseveli

il ne reste qu'un spectre au fond du lit, tapi sous les draps et qui enfle et qui descend et qui murmure des choses que tu ne dirais jamais

— pas comme ça, pas à moi.

les cheveux emmêlés, les voix rauques,

les doigts qui savourent chaque vallon et chaque montagne, tous les reliefs tendus sous la peau tendre.

de stupides petites choses, des choses de gamins transis qui gravent leurs initiales dans le dos l'un de l'autre en grandes lettres rouges; j'aurais écrit tout un poème sur la silhouette de tes vertèbres.

@/ amourachille, instagram

Au milieu d'un torrent de douleurs, de pleurs et sueur, au milieu d'un monde écaillé, éventré, exterminé, au milieu des flammes, des larmes, des armes, je me suis relevé, Icare incandescent, indécent, ailes cramoisies, épaules calcinées.

Déplorant l'image revigorée de moi-même que j'avais tenté de dessiner, je me suis laissé consoler par ses bras dorés, je me suis laissé pleurer sur son épaule musclée. Je me suis laissé aller.

I only know how to exist when I'm wanted

Mary Lambert résonne dans mes pensées comme le logo DVD qui rebondit, de paroi en paroi, pour me rappeler comme une litanie cruelle que je suis pathétique, que je suis un désastre, que je répugnant, dégoutant, horripilant.

I hate how I don't feel real enough unless people are watching

Palahniuk. Invisible monsters. Autant de lettres pour écrire un message: je ne suis pas réel. Pas sans l'approbation de monstres, sans l'approbation des dieux, j'attends qu'on valide mon existence à l'aide de célébrations anxieuses.

Like any unloved thing, I don't know if I'm real when I'm not being touched.

Natalie Wee, our bodies and other fine machines. Toutes les lectures compulsives qu'avaient suivi le départ de mon astre de braises, celui qui m'avait déchiré, abimé, celui qui m'avait ruiné de son toucher, celui que j'avais peiné à effacer. Mon savoir remonte, me fait honte, il me pointe du doigt, index osseux, me montre d'un ongle crasseux ma monstruosité croissante. Freak. Circus freak. Je suis un terrible monstre, on se moque de moi dans les gradins, on me dénonce d'un oeil qui me juge, d'un sourire qui me rit au nez, d'un rire éclatant, celui qui éclate l'âme.

Je me sens répugnant, presque pervers. Tant de sentiments que je ne sais nommer, tant de ressentis qui se mêlent en moi, fils de fer corsé, je suis perdu, angoissé, je me romps, je m'efface, je me fracasse, houle blanchie par le vent, flot amer de mer tendue, je me déverse sur l'épaule de mon Apollon, qui, tracassé, me regarde, océan dévasté.

La silhouette de mes ténèbres semble se détacher du ciel comme un démon malmené, un démon torturé, qui n'a d'autres choix que d'accepter sa destinée. Oeil en moins, épaule disjonctée, dos écrasé par le monde, Atlas désabusé.

Il ne sent pas la cigarette. Il sent ce mélange étrangement enfantin de chocolat et de sucrerie, comme ce parfum envoutant qui flotte dans les boulangeries, entre neuf heures et midi. Il a le goût du bonheur innocent, le parfum d'un sourire jaillissant.

Je m'ancre sur lui, j'essaie de ne pas me laisser emporter par les flots pourris, mais la tempête menace de me noyer, je me sens étranglé par la mer enragée, je suis piégé entre vagues et requins et je crois mourir, coquin Poseidon qui joue, amusé.

Il est grisant de parler tout bas quand tu approches.

Patrocle, ne me quitte pas. Approche, tous les jours, tous les jours à venir, continue de revenir, gracieuse vague sur la plage de mes amours. J'ai besoin de toi, mon soleil, j'ai besoin de toi, mon nuage, j'ai besoin de toi, mon ciel. Patrocle. Reste.

AchilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant