You are weak and hollow and it doesn't matter anymore — Crush, Richard Siken

Il fait froid cette nuit, alors Hector se blottit contre moi, son visage de chérubin collé à mon dos. Mon hoodie est remonté, son nez est pressé directement contre ma peau, sa respiration chaude rebondissant contre ma peau meurtrie par les ongles de Thomas. S'il ouvrait les yeux, il verrait ses marques, ses marques qu'il n'a pas laissé puisqu'il n'a plus le temps de me toucher.

Quand il part travailler, je pars pour son appartement. Je me sens tellement mal que les remords forment un vibrato perpétuel dans ma tête, sans pour autant que je fasse demi-tour. Il m'attend, debout devant sa porte, clope au bec, vêtu d'un t-shirt évasé— je le reconnais immédiatement, c'est celui d'Hector, celui qui sent le bonheur et la brioche, celui qu'il prétendait ne pas retrouver hier, quand il m'a filé son t-shirt— et un caleçon. Ses jambes sont délicieusement dorées.

" S'lut."

Il me file une clope, je fume à ses côtés, en silence, j'expire ma haine, ma colère, mes regrets, ma mélancolie, j'expire mes remords, ma peur d'être immonde, ma répugnance, j'expire toutes les choses que je dois purger. Puis je le laisse m'entraîner chez lui pour me toucher.

Son appartement est toujours autant en bordel. Je remarque que certains des cartons de la veille ont disparu. Il me jette presque contre un mur, ses bras m'entourant, ses lèvres rencontrent les miennes. Notre folie m'enveloppe, je suis fatigué, je me bats pas contre mes pulsions. Il m'embrasse avec hargne, je l'embrasse les larmes pleins les yeux. Je le déteste, je le hais, je le hais.

Après, couverts de sueur, on s'assoit sous sa douche, l'eau nous tombant dessus à flots. Respirations saccadées, ecchymoses sur la peau, ses mains sont rouges et les miennes me démangent. Je glisse mes doigts sur sa cuisse mouillée, il me les retire sans un mot.

Autre pause clope. Fumée envoutante. Paris enfumé.

Il me dessine sur une de ses feuilles éparpillées sur son bureau qui pue le sexe. Je me demande s'il a couché avec la pouffiasse ici, sur ses feuilles un peu abimées. Si elle a crié, si elle l'aime, si elle sait qu'il me touche avec une passion qu'elle ne rencontrera jamais.

A midi il me fait des pâtes.
A midi trente il me touche avec une lenteur tortionnaire.
A treize heures je suis sous lui, sur son bureau. Mon dessin se déchire sous nos mouvements.
A treize heures trente nous continuons sous la douche. Il me laisse le toucher.
A quatorze heures on fume. La nicotine est amère.

A quatorze heures trente on boit. On finit une bouteille à nous deux.
A quinze heures, délirant, je le plaque contre un mur et je lui murmure ma haine, tout en lui arrachant le t-shirt d'Hector qu'il a maculé de sueur.
A seize heures, on fume encore. On a fini son paquet de clopes.
A dix-sept heures, je suis emmêlé dans ses draps imbibés de moi.
A dix-huit heures, il me conduit devant chez moi. Il m'embrasse dans la voiture, mordant légèrement ma lèvre inférieure. Il tripote le bord de mon t-shirt. Sa main me brûle
A dix-huit heures trente, il est en train de m'embrasser contre la porte de mon appartement. Je brûle, je brûle, je le fais partir avant qu'Hector arrive, les lèvres encore gonflées.
A dix-neuf heures, quand il arrive, je suis sous la douche, brûlé par l'eau bouillante. J'ai effacé toutes traces de mes péchés.

Hector me touche, ce soir là, dans un noir complet. Nos lèvres se rencontrent avec amertume, et, encore alcoolisé, je l'embrasse avec une fougue décuplé. Je l'entends perdre toutes barrières, je l'entends se délier, je lui montre la passion qu'il n'a jamais eut le loisir de goûter. Je lui montre la violence amoureuse dont je sais faire preuve.

A minuit, je l'entends enfin s'assoupir.

A une heure, je quitte l'appartement pour le retrouver. Il est devant ma porte, dans le t-shirt brioché, et ses lèvres esquissent un sourire carnassier.

Il m'emmène à son appartement, là où il me rend fou à lier.

A trois heures, je rentre chez moi, tremblant, le coeur au creux de la gorge, le corps meurtri, empli d'alcool et de fumée.

A quatre heures, Hector s'enroule autour de moi comme une écharpe.

A quatre heures trente, je fonds en larme.

A six heures, il part bosser.


Thomas arrive presque au moment où Hector part. Il me regarde me préparer un petit déjeuner, il me regarde me servir du café, il ouvre une fenêtre pour fumer. Il observe avec un oeil moqueur l'ambiance chaleureuse de mon appartement, la façon dont il est parfaitement rangé. Il s'assoit sur mon canapé, que je chéris tant, que je vénère. Il me laisse manger, boire mon café, puis il m'allonge sur le canapé, souillant ainsi sa pureté. Il me détruit à répétition, jamais satisfait, mon corps devient sa marionnette, il joue avec moi sans arrêt. Il ne s'arrête qu'à dix heures, quand il devient fatigué. Il rallume une clope, me laissant flasque sur le canapé.

Ses yeux moqueurs me regardent pendant qu'il fume. La fumée flotte autour de lui tandis que je tente en vain de me redresser. Il m'a brisé.

" Je parie que ton copain ne te met pas dans cet état."

" Ta gueule."

" Je me demande ce qu'il penserait s'il savait que je t'avais touché. Ici même, sous son toit. Que je t'ai ba—"

" Ta gueule, Thomas."

"... Ici même, sur son précieux canapé..."

" Ta gueule!"

Il rit.

" D'accord, d'accord. Si ça peut te rassurer dans ta désillusion, je vais me taire."

Il s'approche, ses doigts effleurant mon torse nu.

" T'es beau quand tu te tais."

" Ta gu—"

" T'es beau quand tu es brisé."

" T—"

" T'es beau quand je te contrôle."

AchilleWhere stories live. Discover now