" J'aime pas quand tu pars."

" Je reviens, d'accord? Fred a besoin de quelqu'un, là. Je vais juste rester quelques jours à son chevet, et je reviens direct."

" Je peux venir avec toi?"

" Je pense pas que ça soit une bonne idée."

" Mais voir son ex mari c'est une bonne idée? Tu me casses les couilles, Thomas."

" Laisse moi faire ce que j'ai à faire. J'ai pas le temps de me battre, et j'ai pas envie. Ce qu'on a, c'est de l'or, t'entends? Y'a rien d'autre qui compte pour moi. Mais je lui dois ça, je lui dois d'être là, alors s'il te plaît ne me fais pas choisir entre deux personnes que j'aime."

" Tu l'aimes?"

" Putain, Achille..."


J'écris mieux quand je souffre. Quand je suis au bord de la mort, quand mon coeur remonte dans ma gorge, quand mes entrailles menacent de se vider de mon corps. Alors j'écris, assis sur le lit dans lequel nous dormons, habituellement. J'écris mieux quand je vais mal. J'écris des poèmes qui brisent les os, qui assomment, qui détruisent, qui déchiquettent. J'écris comme si les mots menaçaient de me briser les doigts, comme si m'arrêter serait me tuer. J'écris sans m'arrêter, vomissant mot après mot sur les pages, écrivant à une vitesse inhumaine. J'écris tant que je me sens creux, que je me sens vide, purgé de mes péchés. J'écris, j'écris, j'écris. Puis je pleure, une seule larme coulant sur mon visage de mort-vivant.

Il ne part pas longtemps. Il reste juste quelques jours à l'hôpital, avec Fred qui en a besoin. Je me demande s'il aurait fait pareil pour moi, si c'était moi qu'il avait quitté, si j'avais agi sur les pensées noirâtres qui m'avaient envahies quand il s'en était allé. S'il serait venu pour son ex fissuré— non, brisé— s'il serait venu ramasser mes morceaux comme il dit qu'il le ferait. Je ne sais pas le croire, je n'arrive pas à m'autoriser à croire ses beaux mots, ses paroles bien ficelées. Si tu m'aimes, pourquoi tu cries? Pourquoi j'ai mal? Pourquoi tu me touches comme si tu voulais me tuer, mais aussi comme si t'avais peur de me briser? Pourquoi tu pars, dès que ton ex t'appelle, alors que j'ai besoin de toi?

Je suis un sale monstre égoïste. Je ne pense qu'à ma pomme, je me dégoute, j'ai envie de me vomir.

Evidemment que tu pars. Il a tenté de crever, il a tenté de s'envoler, il a tenté de se barrer, il a essayé quelque chose de si obscur, de si destructeur, il a besoin d'aide et il n'a personne puisque tu lui as couté tous ses amis.

Evidemment que tu l'aides. Parce que tu as changé, tu n'es plus un connard égoïste, parce que maintenant tu tentes de montrer encore et encore que tu as gagné en humanité, que tu aides les autres, que tu vois plus loin que ton trou de nez.

C'est moi le monstre, c'est moi l'égoïste. J'aimerais que tu laisses tout tomber pour moi.

Je suis dégueulasse, répugnant, et j'ai envie d'à mon tour me défenestrer.

Alors j'écris. J'écris à m'en donner de vilaines crampes aux mains. J'écris de la main droite jusqu'à ce que mes doigts se crispent, puis je tente la main gauche— échec. Je prends l'ordi, et maintenant je tape hargneusement tout l'art qui possède mes veines jusqu'à ce que je me flétrisse sur le putain d'ordinateur.

J'envoie tout pele-mele à Dimitri. Vas-y, connard, fais du profit de mon art, de ma douleur, de ma chair, profite de ma mort subite et remplis toi les poches des cavités de mon âme.

Pendant quatre jours, je ne mange pas, je bois à peine de l'eau, mon estomac fait des putain de pirouettes au creux de moi. Puis au bout du cinquième jour, je vais me trouver un taff. Je baby-site des gosses toute la journée jusqu'à avoir envie de les étrangler, j'me fait un peu d'argent qui part immédiatement dans des clopes et de l'alcool. Le sixième jour, je me demande ce qu'il fout. Puis je me ressaisi. Quelques jours. On a même pas atteint la semaine. Laisse le être là pour les autres, bouffon. Je me nourris de cigarettes et de booze, je me laisse me détériorer, assis à même le sol de la cuisine, je suis une flaque d'homme et je me dégoute. Septième jour, j'ai fini mes paquets, j'ai fini la bouteille, j'ai vomi. J'ai nettoyé. J'me suis relevé, je suis allé me coucher, j'ai revomi, mais après plus rien ne remontait. Huitième jour, je lui ai envoyé un message. comment il va? Je demande. Alors qu'en réalité je veux savoir quand est-ce-que tu rentres, mon âme?

AchilleWhere stories live. Discover now