Unless his heart is a metaphor for his heart, as everything is a metaphor for itself, so that looking at the paint is like looking at a bird that isn't there, with a song in its throat that you don't want to hear but you paint anyway.

The hand is a voice that can sing what the voice will not, and the hand wants to do something useful. Sometimes, at night, in bed, before I fall asleep. I think about a poem I might write, about my heart, says the heart.

(...) The fear that nothing survives. The greater fear: that something does

Richard Siken. War of the Foxes

La lune perle au dessus de moi. Elle est blonde et ronde et jaune-café. Le soleil se lève, je ne bouge pas, je reste immobile comme un pieux qui prie sous un ciel étoilé. La pollution germe dans la terre féconde du ciel de Paris. Mes muscles se tendent, se détendent, au rythme de mes respirations. Par terre sont jonchées les épluchures de mes poèmes, mon stylo bic vidé d'encre, des mégots, une bouteille vide. De l'alcool goutte de son bec, au ralenti, goutte à goutte, comme un robinet qui fuit.

Le ciel est rose comme un nouveau né. Ma peau est rouge-soleil, blanc-canard, bleu-nuit. Je ferme les yeux, la fatigue me terrasse enfin.

Je dors à même le balcon, appuyé contre le mur. Pourtant quand j'ouvre à nouveau les yeux je suis emmêlés dans ses draps moutarde, les murs oranges comme la fin de journée.

Thomas valse dans la cuisine au rythme d'une chanson d'été, torse nu, ses yeux plissés sous les rayons clémentine du soleil. Il danse, il chante, ses hanches tournoient, grelottent, ondulent. Ses pieds martèlent le sol, nus aussi, ses mains agrippent des ingrédients qu'il jette dans une casserole d'un air désinvolte. Je marche vers lui, sonné, le sommeil luisant encore sur ma peau. Il ne se tourne pas vers moi, il continue de se trémousser. Je m'enroule autour de lui, mes mains sur ses hanches, sur son torse. Collé contre son dos. Il est brûlant, presque fiévreux, il sent la cigarette, le café et la menthe mâchouillée. Il en a une plante sur le bord de sa fenêtre. Nous dansons, dans la cuisine, sous les rayons vermillons du soleil qui se couche.

Des bougies sont posées partout dans le salon. Sur le bureau, près de la TV, sur la petite table où Thomas a posé les petits plats qu'il a préparé. Les lueurs de la bougie flottent dans les airs comme les fantômes de mon passé. Elles sentent la mer, la plage, le canapé vert de Madeleine.

" Parfois j'ai l'impression d'être un moins que rien."

Il me regarde d'entre ses cils dorés.

" C'est de ma faute, ça. Je t'ai convaincu que tu en étais un, encore et encore, en te traitant comme une merde."

Je pense aux ' S'lut' qu'il m'adressait. A son avarice de mots. Sa méchanceté, sa tromperie, sa traitrise.

" Tu es aussi brisé que moi, Tom. Deux âmes cassées accomplissent du chaos."

" N'essaye pas de rendre la torture que je t'ai fait éprouver romantique. Poétique. Je t'ai fait vivre un enfer et rien ne l'excuse. Maintenant, je change, je suis en état d'évolution."

Les bougies éclairent nos peines, nos secrets, nos regrets. Je pense à la haine que j'éprouvais envers lui, je pense aux choses qui m'ont rongé pendant des années, je pense à Hector, nounours de ma vie, à Athena, terrifiante guerrière, à Styx, innocent.e poupée, à Roman, l'érudit, à tous les autres, Farah, et les larmes montent. Je suis un idiot qui ruine tout, encore et encore, comme une malédiction. Je brise tout sur mon passage, je suis en colère, comme tous les autres. Je suis comme Thomas, je n'ai jamais été mieux que lui.

" Pourquoi est-ce-que les choses ont changé? Pourquoi est-ce-qu'on se supporte?"

Il fronce les sourcils.

" Parce que tu as toujours été l'amour de ma vie. Et que je suis un idiot qui a essayé encore et encore de l'oublier, puis de t'en convaincre alors que je puais la toxicité. Je ne suis pas entièrement meilleur, je pense que je serai toujours le monstre que tu hais, mais moins vicieux, les crocs moins acérés. Tu es mon café, ma tasse de café, ma tasse d'expresso, ma clope enfumée, j'ai besoin de toi pour fonctionner. C'est inexplicable. Tu es formidable, magnifique, incroyable. Tu me tords les tripes, ta main agrippe mon coeur avec force, je ne peux pas respirer près de toi mais je ne me suis jamais senti aussi sain qu'à tes côtés. Heureux."

Il renverse la tête en arrière. Sa pomme d'Adam monte et redescend. Ascenseur émotionnel.

" L'amour de ta vie?"

" Achille, tu sais bien qu'être des colocs avec quelques bénéfices c'est bien joli. Mais je ne cacherai jamais que je suis éperdument amoureux de toi. Même si l'amour pour moi est chose compliquée, même si je ne sais pas réussir dans les relations, même si j'ai détruit ta vie."

Tumulte intérieur. Je ne sais pas comment réagir face à ses mots. Ses déclarations sont toujours une teinte rosâtre sur ma peau, jusqu'à ce qu'elles virent au rouge sang, au cramoisi, jusqu'à ce qu'elles moisissent sur ma peau et détruisent mes os. Je ne veux pas m'adoucir, je veux rester hirsute, je veux continuer d'arrondir le dos et me protéger de ses mots qu'il emploie si facilement. Quelque chose en moi tourne rond comme une anguille, et je sais que chaque mot qui atterrit sur ma main finira vert comme le cadavre caché sous la planche de la maison.

" Je ne te comprendrai jamais, Thomas."

" Je veux être ton Patrocle. De tout mon coeur."

AchilleWhere stories live. Discover now