"Who will master this love? Love might be the wrong word."

War of the Foxes
Richard Siken

J'avais cette envie prenante, presque enfantine, presque purement innocente tant sa forme était blanche et ronde, d'être pris dans les bras de quelqu'un. Un câlin rêche et violent et doux et sucré comme le miel. Je voulais que cette douleur qui me tiraillait, qui me détruisait, qui me ruinait, me réduisit à néant, soit étouffée par les bras chauds et lourds et caramels de quelqu'un.

Mon souhait fut exaucé quand Thomas arriva. Il me trouva étalé sur son lit, coeur répandu sur les draps comme du sang sur l'asphalte, et il m'enveloppa de ses bras et me laissa crever contre sa poitrine.

J'essayais de penser à ma haine, à ma colère, mais j'étais si vide et si creux que je n'entendais plus ma propre souffrance.

Je me sentais si faible, jaune comme un trognon de pomme, égaré comme un renard dans les ruelles d'une métropole. L'urbanisation était symbole du démantèlement de mon âme. J'étais creux comme un coquillage, vide comme un citron pressé, sans vitamines sans couleurs sans acidité. J'étais si inutile que je ne pouvais être bouffé, que je ne pouvais être composté comme une vulgaire peau de banane. Je pouvais me décomposer dans le jardin d'Anne mais mes os blanchiraient et détruiraient la faune. Larmes salées coulaient sur ma peau édentée, mon âme fracassée ternissait les draps blancs-neige-pluie-tamisée. Ricochets de sel et de douleur presque cardiaque. Rythme arithmétique. Littérature démembrée. Sang écarlate comme le banc près du parc. Parc démantelé. Révolution. Cris égarés. Sang. Sang. Sang. Mort. Morbide. J'ai mal au bide. Ma main est éprise de crampes. Ma peau rougit, noircit, brûle. Les larmes flammes pleurent comme des armes et je hurle je hurle je hurle.

Fou.

Je croyais penser que la folie n'existais pas. Mais quand ma poésie se casse au fil des vers, quand ma douleur s'effiloche se tiraille se muraille se brisaille je suis email et je crie je crie je crie. Thomas lache moi j'étouffe dans tes bras je n'ai plus d'air je prie pour l'air j'ai besoin d'air à l'aide à l'aide à l'aide. Mort.

Fin. Fou.

Je me réveille d'un cauchemar. Mon corps est détrempé, les draps sont bleuis par ma peur et mes angoisses, Thomas est assis en tailleur au bout du lit, ordinateur équilibré sur ses cuisses dorées que j'ai envie de bouffer. Il est ma brioche et je suis péché, pécheur, pêche-abricot. J'écris des poèmes dans un coin de ma tête pour Dimitri qui aimera mes vers salacement morbides, morbidement salaces, comme un Baudelaire bandant sur des charognards.

Les mains de Thomas sont des huîtres et je suis un consommateur de gastronomie. Je le mange à petites bouchées, je l'entortille sur ma fourchette, son corps se découpe au gré de mes coups de couteaux. Il est dorée, mi-cuit, fondant comme du chocolat velouté.

Réveil en sueur d'un cauchemar, sueur devenue torride sous le pli délicat de sa peau, ses mains sur mes hanches, sa bouche sur ma peau qui épanche ses méfaits, sa langue sur le sel de mes larmes, ses dents qui étirent le lobe de mon oreille droite, sa respiration qui joue du tam tam sur mon ventre.

Passion passionnée passionnelle.

Cauchemar cauchemarder cauchmouillé. Ses mains ses dents sa langue ses doigts son corps qui se plie, malin accordéon. Sa peau son satin ses épaules ses muscles qui tirent qui tendent qui hurlent sous sa peau sous ses os près du cœur près des yeux. Je le mange doucement rapidement délicatement. Poésie poèmes écriture. Égratignure.

Fou. Folie. Follement.

Mots jetés dans les égouts sous Paris près de la Seine étourdie. Lèvres contre les miennes je ne peux plus respirer je ne peux plus penser. Embrasse-moi, encore et encore s'il te plaît.

AchilleWhere stories live. Discover now