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«  J'aime pas quand t'es silencieux. J'aime pas entendre les dunes qui tombent comme des enclumes, les nuées éternuer, j'aime pas le silence. J'aime pas entendre les gouttes qui tombent du ciel et l'oxygène qui se dégèle. J'aime pas quand tu t'éloignes, j'aime pas quand il fait froid, quand je sens le crystal de Dieu sur ma peau dénudée. J'aime pas quand tu pars, j'aime pas quand tu reviens, j'aime pas ce flottement incertain. J'aime pas notre histoire."

Rappelle moi.

Reviens moi.

Assied toi.

Ne pars pas.

Je t'en supplie.

Pluie. Torrents. Cieux éventrés, nuées hasardeuses, miel carbonisé. Je suis assis face à lui dans un café. Cercle vicieux, neuvième des Enfers. Hades me rit au nez.

Je ne sais faire qu'une chose: répéter les mêmes erreurs, encore et encore, encore et encore, tandis que les Parques se marrent. Je n'apprends pas de mes erreurs, je ne change pas mon comportement, je ne deviens pas meilleur— ou alors je mens. Je ne fais que mentir. Je refuse et j'accepte les choses sans même réfléchir, je me laisse entraîner dans des bourbiers tous plus foireux les uns que les autres, je me laisse me croire amoureux d'un bel homme un peu constellé, un peu abimé, qui me montre de l'affection tandis que tout ce que je ressens est un vide béant. Puis je me jette sur celui qui m'a creusé avec un sourire désaffecté.

Son sourire n'est plus carnassier, et ça depuis longtemps. Il est brisé, un peu effilé, il est presque jaune comme la mer. Il a les cheveux longs, emmêlés, il a l'air d'avoir souffert et beaucoup pleurer. On dirait presque que c'est moi qui l'ai quitté.

" Merci d'être venu" je minaude, comme si je n'avais pas envie de crever à sa vue. Comme si je n'avais pas envie de l'étrangler, l'étriper, l'embrasser, l'épouser. Je le hais.

" Je te devais bien ça."

Silence.

" Je déteste le silence alors je vais le briser. Est-ce-que tu veux bien m'expliquer pourquoi tu es parti, cette fois? Pourquoi tu as tout niqué? Pourquoi tu as préféré tout casser?"

Le temps est si long qu'il n'existe plus. Je ne me souviens plus de quand il est parti, quand il est revenu. La seule valeur réelle est mon corps, aujourd'hui marquée par les lèvres d'Hector. Je n'appartiens à personne, je ne suis rien, je ne suis qu'effluve d'humain.

" Achille..."

" Pas de ça. Pas aujourd'hui. Pas de tes désolé à demi-mâchés, pas de tes balivernes qui ne font rien, qui ne révèlent rien, qui ne font qu'entacher ma dignité. Je ne veux que vérité, je veux du mot pur et dur, du crû, du vrai, du réel. Je veux quelque chose qui signifiera que ça valait la peine d'être brisé, d'être laissé pour mort, d'être abandonné. Qui justifierait le fait que tu m'aies laissé comme une sombre merde, qui expliquerait pourquoi tu t'es senti pousser des ailes, pourquoi d'un coup notre nid n'était plus suffisant. C'était quoi cette fois? Une autre? Un autre? L'attrait de la liberté? Je n'étais plus assez nouveau, assez aventurier?"

Silence.

Je déteste le silence mais je ne le brise plus. J'ai décidé que j'avais fait l'effort mérité, que c'était à lui de l'ouvrir et à moi de la boucler.

Silence.

Pesant.

Assourdissant.

" Je suis parti parce que... Parce que... Parce que je suis un monstre."

" Développe."

" Parce que je ne suis pas assez."

"Mmh."

" Parce que je détruis, je ne construis pas.

" Continue."

" Parce que peut importe combien je t'aime, peut importe combien mon âme brûle pour toi, peut importe combien je t'appartiens, combien je suis à toi, entier, de toute mon âme, être avec toi signifierait te détruire, te ruiner et ça jamais je pourr— pouvais me le pardonner."

" Donc... Tu es en train de me dire que tu agissais de manière noble. Mon chevalier. Que tu voulais me sauver?"

" Oui, c'est ça."

" Tu es une sombre merde."

" Je sais."

" C'est pas à toi de décider ce que je peux et ne peux pas supporter."

" Je sais."

" Ce n'est pas à toi de décider ce que je mérite ou non."

" Je sais—"

" Ce n'est pas à toi de parler pour moi, d'agir pour moi, de te barrer dans mon sommeil sans prévenir, comme si tu en avais le droit. C'est pas à toi d'agir comme une sombre merde, prétendument dans mon intérêt, alors que depuis toujours tu ne penses qu'à toi et à ta bite."

" Avec toi j'ai appris ce que c'était d'écouter son coeur."

" Commence pas avec tes phrases à la con. Tu es effectivement un monstre, Thomas. Tu n'as fait que me faire du mal, à répétition, encore et encore, toujours plus fort. Mais je suis un être brisé, je suis une putain de coquille d'humain, je n'ai pas besoin de tes actions vaines pour me protéger. J'avais besoin de toi."

Silence.

" Putain dis quelque chose."

" Je ne sais pas quoi dire pour m'excuser, pour te faire comprendre pourquoi j'ai agis de la sorte."

" Dis moi que tu m'aimes?"

" Tu veux que je te le dise?"

" Je sais pas. J'aimerais l'entendre. Pour y croire un instant de plus."

" Tu n'y crois pas?"

" J'ai arrêté de te croire quand tu es parti. Quelqu'un qui aime réellement ne part pas."

" Pourtant..."

" Juste dis le. Abstiens-toi d'enfoncer le couteau dans mon coeur déjà en sang."

" Je t'aime."

" Encore."

" Je t'aime."

" Encore?"

" Je t'aime."

Silence.

" C'est marrant comme tu peux être convainquant quand tu veux."

" Achille..."

" Oui?"

" Je t'aime."

" Foutaises."

" Je t'aimerai toujours."

" Mensonges."

Silence. Respiration un peu courte.

" On ne peut pas aimer un humain aussi fantomatique."

" Pourtant tu me hantes."

" Hanter, c'est aimer?"

" Je pense qu'il n'y a pas plus romantique."

" Ta gueule."

" Je t'aime."

" Reviens, alors. Reviens."

" Je—"

" C'est ce que je pensais."

" Achille..."

" Mmh."

" Hector penserait quoi de ça, hein?"

" Comment tu sais ça?"

" J'te connais."

" J'pense pas. Plus maintenant."

" C'est impossible pour moi de pas te connaître. Tu seras toujours à moi, le mien, mon coeur, mon corps, mon âme. Mon être. Même si un jour tu me détesteras, même si tu crèves— même si je crève— je te connaîtrais toujours."

AchilleNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ