Les pierres s'écrasent, envoyant valser la terre dans tous les sens, l'odeur nauséabonde de la chair putréfiée, carbonisée envahissant l'air. Le monde est en feu, les flammes semblant jaillir de la bouche des Enfers, brûlant tout sur leur passage. La terre crépite. Son corps est réduit à l'état de vulgaire objet, écrasé sur le sol comme une pierre éventrée. Ses membres sont disloqués, et de sa chair encore chaude émane le parfum ironique du Spathiphyllum, fleur de la paix. Son teint est encore doré, brioché, sa peau encore veloutée, ses lèvres entrouvertes comme pour respirer, son nez brisé seul symbole de la cruauté de la guerre. Le sang coule d'une plaie à son abdomen, liquide vermeille qui brille sous les corneilles. Il est beau, même dans la mort, sa crinière bronze formant des fleurs dans son cou, dans son dos zébré. Il est mort, aussi vivant que les pierres qui semblent pleuvoir des cieux.


" Hector, vis pour moi."

" Pardon?"

" Un jour, tu m'as dit être prêt à mourir pour moi. Je veux que tu vives pour moi. Je pense que je ne pourrais supporter de te voir mort."

" T'as encore rêvé de Troie?"

" Promets-le moi, Hector. Promets-moi que tu vivras pour moi."

" Oui, d'accord."

"S'il te plaît."

" Je le promets."

Je lui prend la main, le coeur au creux des lèvres, la douleur émanant dans ma poitrine. Je ne voulais pas le voir disparaître. Je ne voulais pas l'imaginer disparaître.

" Je t'aime si fort, Hector. Mon amour pour toi fait battre mon coeur, mon amour pour toi me donne du courage. Tu m'emplis d'espoir."

" Je t'aime aussi, Achille."

Ses mains-brioches sortaient du four. Sa peau sentait la vanille, ses lèvres avaient le goût distinct du miel.

" Tu es aussi beau que des vers de poésie."

Il sourit.

" Je pourrais te lire tous les jours."

Nos doigts étaient entremêlés, mon coeur semblait battre directement dans ma gorge, je sentais la cerise se dessiner sur mes traits, les constellations brillaient sur la galaxie de son visage laiteux. Le bonheur enflait dans ma poitrine.

" Tu es beau. Tu es si beau, Hector."

" Tu es incroyable, Achille."

Le luxe de notre amour me rendait euphorique. Je me sentais si riche en émotions, si riche en sentiments. L'amour me rendait fou, follement heureux.

Six mois que je le connaissais, pourtant j'avais l'impression de toujours l'avoir connu. Il était ma vie, mon univers, ma galaxie.

Il m'embrassa doucement.

" Si Troie brûlait, je me jetterais dans les flammes pour te sauver."

" Et si je suis les flammes?"

" Alors je brûlerais pour te rejoindre."

AchilleWhere stories live. Discover now