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" Penses-tu qu'il est possible d'arrêter d'aimer quelqu'un?"

" Je ne pense pas. Je pense qu'une fois qu'on ouvre ses portes elles ne se ferment jamais. Seulement, parfois, la lumière s'éteint, ou l'air se rafraîchit, les verrous changent, les clés ne rentrent plus."

" Tu crois que nos verrous sont trop serrés?"

" Je crois qu'une personne apporte assez à l'autre à des moments différents— oserai-je dire clés— de la vie. Je crois qu'une âme soeur c'est ça. Une âme en feu pour l'autre à divers moments de la vie— et cette âme n'appartient pas toujours à la même enveloppe corporelle."

" Qu'est-ce-que-tu entends?"

" J'entends qu'Hector était probablement ton Patrocle à un moment, même si en réalité c'était toujours moi qui allait finir avec toi. Je n'oserai pas m'octroyer le rôle de ton Prince Charmant, je suis trop Bête pour ça, trop monstrueux. Mais je suis le tien. Je crois que c'était toujours tracé de la sorte."

" Tu crois en Dieu maintenant?"

" Je crois en le fait que tu m'es destiné. Est-ce-que ça veut dire que je suis croyant?"

" Je sais pas. Je t'aime."

" Tu sais, je suis éperdument amoureux de toi. On a vécu des péripéties— non. On va dire les choses franchement: on a vécu de la merde. J'ai été une sombre merde envers toi. On s'est torturé, on s'est entretué plus d'une fois mentalement, on a vécu tout et n'importe quoi, on s'est ébranlé au point de presque crever, au point de presque éventrer le monde. Malgré— et peut être à cause de— ça, je suis amoureux. Amoureux à en vomir, amoureux à en gonfler de bonheur. Amoureux à m'en faire pousser des ailes grotesquement noires. Je suis amoureux et je sais que parfois ça ne suffira pas. Probablement souvent, d'ailleurs. Je sais que des fois l'amour gigantesque que je porte en moi comme une fenêtre ne suffira pas à éclairer le monde, ne suffira pas à égayer tes couloirs. Mais j'essaierai. Jusqu'à ce que j'en crève. J'essaierai de te suffire, de t'apporter toute la lumière du monde. Et quand le monde s'éteindra, quand la lune pointera son nez jaune, alors enfin je te laisserai partir, t'envoler vers les cieux."

" Thomas..."

" Je t'aime. D'accord? Je sais que je continue de merder, que tout est confus, que notre histoire ne tient pas la route et je pense qu'elle ne le fera jamais, qu'elle n'a aucun sens, qu'elle semble sorti tout droit du cul des Parques, mais s'il te plaît laisse moi t'aimer."

" D'accord, d'accord. Je te laisse."

" Tu me laisses?"

" Je te laisse."

" Je suis tellement désolé."

" Pourquoi tu t'excuses?"

" Pour toutes les choses que je t'ai fait vivre."

" Tu m'as fait vivre beaucoup de belles choses, aussi."

" Mais je n'aurais pas dû t'en faire vivre des laides."

" C'est la vie."

" Non, Achille—"

" Je ne t'en veux pas. Ne t'en veux pas pour quelque chose que je t'ai déjà pardonné, c'est inutile. Tu te fais souffrir pour rien."

" Je t'aime. Je t'aime tellement."

" Et ça me suffit. D'accord?"

" D'accord."

" Je t'aime aussi, mon Patrocle."

AchilleWhere stories live. Discover now