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" J'adore l'été. Quand je suis arrivé au Refuge, l'été est devenu pour moi l'occasion de renouer avec le foot, et avec le sport. Je passais mes journées dehors, à courir après un ballon, je me sentais tellement idiot, tellement gamin, tellement jeune et fragile, ça faisait du bien de s'autoriser à l'être. Et puis c'était satisfaisant de battre Athena. Elle avait tellement la grosse tête."

Allongé dans l'herbe, Hector regardait le ciel avec déférence. Un sourire innocent était placardé sur ses lèvres, et une fine moustache roussissait au dessus d'elles.

« Je sais pas jouer au foot. »

« Je t'apprendrai. »

Juin s'étirait autour de nous comme un étau. Les fleurs prenaient des teintes jaunes, le ciel lui même semblait doré, le soleil brillait avec plus d'intensité, les nuages roupillaient, s'en allaient avec lenteur vers des contrées éloignées. La température grimpait, comme mon anxiété, doucement mais surement, avec une lenteur presque délibérée.

« Parfois c'est presque trop facile d'être heureux avec toi. »

«  Tu préférerais être triste? »

«  Je connais la tristesse. Je connais ses secrets, ses rites. Je connais comment elle apparaît, comment elle se dessine, se déplie, sinueuse, aussi discrète qu'un virus asymptomatique, je la connais et elle m'est tant familière que je l'accueille presque les bras ouverts. Mais le bonheur... La joie... Je les connais, les deux. Je les aime et les apprécie, mais ils me terrifient. Je ne les contrôle pas, ils sont imprévisibles, je ne peux les définir, les quantifier, le temps que je m'en imprègne et que je les adore ils disparaissent et avalent avec eux une part de mon âme que je ne retrouverai jamais. J'ai peur de cette perte de contrôle, de cette façon que le bonheur a de me happer en entier comme un filet de pêche et de m'emmener hors de ma mer, me jetant sur un sable dur et blanc comme les nuages perçants du midi. »

«  Les sentiments n'ont pas besoin de durer pour valoir la peine d'être vécus. »

«  L'imprévisible me rend fou. »

«  Soies fou de moi, alors. »

«  Je le suis tant que je devrais être interné. »

«  Pourquoi est-ce que tout doit être si compliqué? »

« Parce que je suis le plus complexe des antihéros. Si brisé qu'on ne peut me voir en entier. »

«  Dans une autre vie tu es purement toi, heureux et entier. »

«  Dans une autre vie, peut être. »

Si j'avais pu lui faire voir le monde de ma vision terne. Ses yeux gris voyaient roses. Moi je voyais noir.

«  Je t'aime, Achille. »

«  Je t'aime, Hector. Si seulement cela suffisait, n'est-ce-pas? »

«  Si seulement. »

Nos mots ont le goût d'adieu, pourtant nous allons seulement nous coucher. Peut être que le désespoir était insipide, peut être qu'il souhaitait noircir notre fœtus d'été. Peut être que j'étais amorphe, inerte, amer comme un plat sans épices. Peut être que je ne me battais plus assez, peut être était-ce ma faute. Je fermais les yeux, un je t'aime coincé dans ma gorge comme un poisson dans un filet.

«  Tu sais Achille, j'aime tes fissures autant que ta coquille. »

Je souris.

Mes doigts se resserrent sur sa main, et je fermai les yeux comme une promesse.

Plutôt crever que de perdre l'amour de ma vie.

AchilleNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ