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" Tu penses que l'univers me déteste?"

" Pourquoi est-ce-que l'univers te détesterait?"

" Je sais pas."

" Non, il te déteste pas. Mais tu es trop fort, alors il a dû essayer de te faire tomber. Pour donner une chance aux autres."

" Ah."





Athena et Roman se tenaient la main, assis face à nous sur la nappe. Nous mangions des sandwichs aux Buttes-Chaumont, tous ensemble. Hector était adossé contre un arbre, et moi contre lui. Je n'avais jamais vu Athena aussi heureuse. Elle qui semblait perpétuellement agacée pour une raison ou une autre, elle était à présent complètement relaxée, un large sourire affiché sur son visage de guerrière stratège.

Quelques jours à peine étaient passés depuis l'anniversaire de Nike. Je me les revoyais soudain, danser ensemble, proches, très proches, les lèvres de Roman effleurant la peau laiteuse d'Athena.

Je comprenais mieux à présent.

L'herbe semblait m'avaler. Le printemps continuait de me narguer de ses couleurs éclatantes, des capucines, des lys, des marguerites jonchant le sol, du lierre grimpant sur les arbres de ses bras sinueux, le pollen flottant dans les airs comme un dieu qui me moquait de son doigt jaune.

Roman regardait Athena d'un oeil attentif, et je les observais en silence, les mains d'Hector tenant les miennes. Je ne savais pas quoi dire, les interactions sociales étaient loin d'être mon point fort, la fatigue semblait me ronger de l'intérieur. Mais je me sentais bien. J'étais en sécurité.

Je les regarde de l'air absent de l'enfant heureux, content de sa journée.


" Tu crois qu'on était comme ça, nous aussi?"

" Comme quoi?"

" Des gamins heureux."

" On l'est toujours, non?"

" Quand je suis avec toi j'ai l'impression d'avoir six ans."

" Six? Carrément?"

" Oui. Et j'ai l'impression d'être devant une vitre de magasin de bonbon, les yeux écarquillés, pleins d'étoiles."

" Donc t'as envie de me bouffer?"

" Je pense que ça représente bien ce que je ressens pour toi, oui. J'ai envie de te bouffer."

" Je suis bon, au moins?"

" T'es absolument délicieux."

Pause.

" Tu penses qu'un jour tu en auras marre de moi?"

" Est-ce que tu veux la réponse jolie, qui tente de te rassurer sur un futur incertain, que seul les Parques maîtrisent, ou est ce que tu veux que je t'avoue que je ne sais pas, que le futur me fais peur aussi, que peut être je vais te perdre mais que je me battrais corps et âme pour te retrouver? Je ne sais pas. J'aurais aimé savoir, pour me préparer aux éventualités, j'aurais aimé savoir ce qu'il m'attend pour moins souffrir, parce que comme toi, j'ai peur. Je pense que ça serait très très difficile d'en avoir marre de toi. Tu es mon héroïne, Achille, tu es addictif et aimable à souhait."

" T'es le meilleur."

Le parc me paraissait vide, pourtant il était rempli. Nous nous étions éloignés d'Athena et Roman, mains dans la mains, l'air hébété d'amoureux.

" Je pense pas être le meilleur."

" T'es l'humain le plus lumineux que je connaisse."

" J'avais pas le choix pour survivre. Si je me laissais m'éteindre, je me serais jamais rallumé."





" Tu crois que les étoiles savent qu'on les admire?"

" Tu sais qu'on t'admire, toi?"

" Non."

" Alors non, je pense pas."





" Pourquoi tu me regardes comme ça?"

" Parce que t'es beau."

" On dirait que tu essayes de lire mon âme. C'est perturbant."

" J'essaie de t'absorber. Pour ne jamais te perdre."

" Tu me perdras pas."

" Je veux garder une partie de toi en moi."


" Il fait beau dehors."

" C'est Paris. Il fait gris."

" Il fait grise-rose."


" Hector?"

" Oui, Achille?"

" Je t'aime."


" Tiens moi la main. J'ai peur."

" C'est juste une tyrolienne."

" J'ai peur, j'tai dis. Tiens moi la main."

" D'accord."

" Plus fort! J'vais tomber!"

" Non.Je te tiens. Promis. Je te lâcherais pas."

" Putain!"

" Tout va bien, Achille. Je suis là"


" C'était la meilleure expérience de ma vie."

" Tu vois, je t'avais dit."

" Je t'ai pas broyé les os?"

" T'inquiète pas pour ça."


" Hector, tu rêves de quoi quand tu t'agites?"

" De chars. De flèches. De cris de guerre."

" Est-ce-que t'as peur de la mort?"

" Non. Je sais que ça serait juste une autre étape, une énième épreuve. Je sais que je peux l'affronter"

" Alors de quoi as-tu peur?"

" D'être séparé de toi."

AchilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant