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« Est-ce-que tu me détestes? »

« Te détester voudrait dire ne pas te connaître. »

La vie n'est pas un long fleuve tranquille. C'est un océan tumultueux, battu par le vent. Ses vagues sont gigantesques, titanesques, immenses, bleu comme l'Apocalypse et rond comme la planète.

Je n'ai pas les mots pour décrire les sensations qui me parcourent. Je suis juste un être parcouru de vagues, parcouru d'un tsunami— oui, c'est le mot, un tsunami— enflé de vagues houleuses, de houle blanchâtre, presque grisâtre, qui grossit contre les Dunes de l'incompréhension. Je suis eau— mais surtout je suis flamme. Flamme lancinante.

Je suis un animal. Un passif. Je subis. Je suis rien.

Il est tout.

Comment définir quelqu'un qu'on a passé tant de temps à détester juste pour finir par les aimer avec toute son âme? Tout son corps? Tout son coeur? Je suis entier à lui, entier à lui, je lui appartenais avant même qu'il ne soit au courant. Avant même que je ne le sache moi même. Je lui appartiens. Il ne faut pas l'entendre de manière possessive, il ne faut pas croire que je suis son esclave, sa pute, son monstre. Non. Il est mon monstre, je crois, et je suis un peu le sien— c'est ce qu'il advient toujours quand deux êtres brisés en deux viennent se rejoindre pour ne former qu'un. Je crois que mon coeur ne battrait pas sans son sang, sans ses mains, sans sa respiration. Je ne dépends pas de lui— enfin si. Mais contre mon gré. Je ne dépends pas de lui, je ne suis pas vivant que pour lui. Mais je crois que sans lui je suis mort. Sans lui la vie est morose. C'est facile de pécho tout le monde, c'est facile d'être un charo, c'est facile de ramper vers le prochain qui m'offrira un quart de ce que m'offre le coeur gros, gonflé de mon amour— mon Patrocle. Il est tout. Tout.

Le physique m'a happé d'abord— comme un filet dans l'océan tumultueux de la vie. D'abord on a été sauvage— charnels. Des êtres brisés qui se touchaient entre deux cours, contre un mur, contre la bibliothèque où Baudelaire nous regardait pécher. D'abord j'ai laissé mon corps mener mes actions. Roue libre. Je n'étais dirigé que par mes mains, ma bite, mon corps. Je croyais que c'était tout ce que c'était, je croyais qu'il était le monde et que j'étais astronaute. Rapidement mon coeur s'est réveillé, rapidement je suis devenu un coeur rond comme une orange qu'il croquait à pleines dents. Rapidement il m'a mâché, il m'a recraché, rapidement il m'a apprécié de ses dents.

Puis est venu le reste.

Les mains, le coeur qui parle à travers la peau qui sue. Les mots qui viennent après— qui viennent après la sueur, après le sel sur la peau, après les ébats, après les cris qui percent les rues de Paris.

Le coeur qui vomit son amour entre deux banalités, qui montre un amour fruit d'une intensité indicible, imprononçable.

Je l'aime.

Je l'ai su dès qu'il a prononcé mon prénom, contre mon oreille.

Je l'ai su encore et encore, encore et encore.

Je l'ai su quand il m'a détruit.

Je l'ai su quand il m'a brisé.

Je l'ai su quand il est parti.

Je l'ai su quand il est revenu.

Quand le silence pesant m'a anéanti.

Quand j'ai cru que plus jamais je ne le retrouverai.

Quand finalement, je l'ai retrouvé.

Et que mon coeur, anéanti, a réussi à l'aimer. Avec ferveur. Passion. Intensité. Mon âme s'est envolée.

Je suis tout à lui. Comme le ciel est aux oiseaux, comme la mer est aux poissons, comme le Paradis est à Dieu, comme je suis l'antihéros et comme il est mon ennemi. Je lui appartiens, je brûle pour lui, il est pompier et allumette.

" Je t'aime."

" Tu me le dis tous les jours."

" C'est parce que ça ne suffit pas."

" Alors pourquoi continues-tu d'essayer?"

" Parce qu'un jour la galaxie chantera, un jour elle te montrera à quel point les atomes sont tous des baisers des cieux qui te démontrent mon amour pour toi."

" Je t'aime, Patrocle."

" Achille.."

" Je t'aime. Comme un navire échoué. Est-ce-que ça suffit?"

" J'veux être ton pirate."

" Tu l'es déjà"

" Je t'aime comme la quantité d'étoiles dans le ciel. Je t'aime comme l'indicible, comme les poèmes, comme les mots existants dans ce monde. Comme les brins d'herbes. Je t'aime."

" Il manque du sens mais je crois que je comprends."

" La seule chose que tu dois retenir c'est que je t'aime jusqu'à la fin du monde, jusqu'à la fin de moi, jusqu'à après— après la mort, après la douce fin."

AchilleWhere stories live. Discover now