His insides a
and
his outsides kept apart with an imaginary
line—
thick and rude and imaginary because there
is
no separation, fallacy of the local body, paint
on paint. I have my body and you have
yours.
Believe it if you can. Negative space is silly.

The way the light reflects— Richard Siken

Ma douleur devient mon art, mon sang mon encre, mes cils mes virgules et mes points mes tâches de rousseurs. Thomas me tient la main, les yeux plissés, comme s'il attendait que je détourne les yeux pour décamper. Mais je sais qu'il ne partira pas, pour la bonne et simple raison qu'il n'a nul part où aller. Je suis fatigué, épuisé, je m'effondre sous un poids que je ne sais définir. J'écris, encore et encore, j'écris des lettres qui dessinent ma souffrance sous un angle italique et grassouillet.

Aout est si chaud que j'en perds la tête.

Thomas m'emmène à bord de sa voiture. On conduit sur la route du Soleil, les fenêtres baissées, le vent chaud nous balaie la peau, son visage dore et se constelle. La musique blaire dans les airs, la pédale enfoncée sous le pied, il chantonne des airs d'été. Je me sens gonflé de bonheur, un bonheur qui élimine presque mon angoisse béante.

La journée défile au bord des autoroutes, les arbres deviennent tour à tour gris, verts et rouges, barbus puis imberbes. Enfin, on arrive dans une petite maison en bord de mer, cachée parmi des palmiers penchés comme la Pise et des ruelles qui puent le sel. C'est une petite baraque charmante aux murs beiges et au toit saumon à laquelle nous étions allés, avant que tout tourne au vinaigre auparavant. Elle appartenait à sa grand-mère avant sa mort.

Elle est composée d'un petit salon tapissé des souvenirs d'enfance de Tom et des souvenirs roses de notre ancien amour, d'une salle de bain qui écho encore ses mains sur mon corps sous une douche brûlante, après maintes baignades dans l'eau salée, et une chambre dont les draps sentent encore le parfum de nos sueurs.

Thomas me prend la main, sans rien dire, déverrouille la porte, laissant sortir les effluves de souvenirs. Il ouvre les fenêtres en grand, laissant entrer l'air lourd du Sud. Il s'allume machinalement une clope, tout en inspectant les pièces d'un oeil fatigué. Il loue régulièrement cette maison pendant la saison. Je m'assois sur le canapé, petit, écrasé et vert. Il est moche, atrocement kitsch, mais Thomas n'a jamais eu le courage de s'en débarrasser. Madeleine, sa grand-mère, l'avait acheté en même temps que la maisonnette, et elle l'avait affectionné avec force. J'allume une clope, la cigarette glissée entre mes lèvres pour effacer l'angoisse de l'été. Mon soleil me rejoint sans un mot. Nous entendons tous les deux les échos de notre couple, ici, parmi les murs. L'époque où nous nous supportions encore, l'époque où nous nous aimions, avant qu'il ne me trompe, avant que je ne sois dépressif, avant que je ne devienne une coquille de moi-même, avant qu'il ne m'échappe entre les doigts comme de l'eau salée.

Je termine ma cigarette, il termine la sienne, l'écrasant dans un cendrier devant lui. Ses doigts sont d'un brun-rosé que je trouve absolument délicieux. Je les attrape entre mes doigts blancs-neige, et j'y dépose un baiser chaste. Il sourit doucement.

" Tu te souviens de notre premier été ici?"

" Tu m'avais forcé à poser pour ta peinture sous un soleil tortueux."

" C'est encore ma peinture la plus réussie."

" Tu m'as écris des poèmes sur le dos avec un marqueur. On a mis deux semaines à les faire partir de ma peau."

" L'encre était très jolie."

" Y'avait tellement de sable partout que ta mère a pété un câble quand elle est passé nous visiter."

" On a voulu reconstruire la plage. Pas de notre faute."

Il sourit. Un sourire enfantin, innocent, adorable, un sourire qui vient rompre l'image terriblement négative que j'avais formé mentalement sur lui. Je m'étais habitué à un Thomas détestable, avant de redécouvrir un Thomas poétique, un Thomas charnel, un Thomas romantique dans ses silences si ce n'est dans ses mots. Un Thomas réel, moins éphémère, un Thomas en trois dimensions. Un Thomas que je pouvais peut être apprécier— ou du moins arrêter de détester. J'aimais l'hainer. Mais je hainais le haïr bien plus.

" T'es beau quand t'es heureux, Tom."

Il rit.

" T'es con."

La plage est blanche et jaune. Elle est dorée, blonde, un peu effacée. Elle est désert, elle est sucre, elle est bleue et argent. La mer lèche ses extrémités, l'eau écumant sur ses doigts sablonneux. Mes pieds s'enfoncent dans la matière bronze du sable. L'écume de mes jours perle au bord de mes lèvres. Rose saumon, rose bonbon, rose coquillage, rose plage. Mon corps presque-nu près du sien, sous un soleil rose-amour, rose-bonheur, rose-souvenirs. Les nuages sont délicieux, des barbes à papa duveteuses comme la moustache qui blondit au dessus de la lèvre bronze de Thomas.

Nos doigts sont liés, nos yeux fermés, nos cils blondis par les rayons d'un soleil assuré. Le sable nous avale, l'eau nous mordille les orteils, nos doigts s'enfoncent dans le désert de nos souvenirs. L'été perle sur nous comme du savon à la rose.

Le soir, sous une lune ronde et blonde comme la bière que nous buvons à flots, il joue de la guitare, les bougies rougeoyant autour de lui. Ses doigts caressent les cordes, ses yeux se ferment au gré de la mélodie, et je m'enfonce dans le canapé vert à l'odeur perpétuelle de mégots.

Nos nuits sont abreuvées de ses accords de guitare, de bière, de cigarettes roulées par ses doigts calleux, de ses sourires un peu jaunes-bougie, de ses rires éclatants dans le silence des cigales, des rayons de lune, aussi vibrants que ceux du soleil, d'un blanc pur, nacre, coquillage.

Nos doigts s'entremêlent, nos bouches sont rouge, bronze, rose, or, nos lèvres se touchent avec délicatesse, nos doigts, nos mains, nos peaux brûlent, crament, s'enflamment.

The light on his skin and bouncing off his skin. He's easy to desire since there's not much to him, vague and smeary in his ochers, in his umbers, burning in the open field. Forget about his insides, his plumbing and his furnaces, put a thing in his hand and be done with it. No one wants to know what's in his head.

J'aime son morbide, j'aime sa couleur délavée, j'aime l'été bleu, j'aime ses yeux gris, sa bouche terne, j'aime son automne, j'aime ses nuages, j'aime le creux de son estomac, qui se morfond comme les intestins noirs d'un démon. Je ne veux rien lui donner. Je n'ai rien besoin de lui donner. Ses doigts tremblants, son cadavre ambulant, ses doigts osseux, vitreux comme ses yeux, comme ses yeux blancs qui fixent le ciel noir d'étoiles. Notre dégout mutuel se transforme en passion haineuse, nos immondices coulent de nos lèvres, sang écarlate, nos lèvres gercées et brisées comme la glace. Nos nez sont rouge tomate, sont gros et modelés comme de la pâte pour enfant. Notre monstruosité est presque innocente dans sa simplicité. Les charognards volent autour de nous, nos corps s'effondrent sous les insectes qui nous bouffent.

Je coupe ma tête, lui offre sur un plateau d'argent, il coupe sa main, me l'offre dans un paquet satiné. I cut off my head and threw it in the sky. It turned into birds. I called it thinking. Je suis poésie et il est prose et nous sommes romance morbide, grotesque, sanguinolente. J'aime la mort, les ténèbres, le charbon, la chair éventrée de notre passion énervée.

La plage se rembrunit. Je l'embrasse doucement, ses lèvres gercées sont éventrées par nos péchés.

( En italique dans le texte : War of the foxes, Richard Siken.)

AchilleWhere stories live. Discover now