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La lumière était dorée. Une teinte bronzée, dorée comme une médaille. L'air était parfumé, il sentait le croissant, les abricots, le jus de fraise. L'été. J'avais faim. Une faim insatiable, une envie insatiable de manger, manger sans m'arrêter, croquer, à pleines dents. J'avais un besoin viscéral de manger.

Il était au dessus de moi, ses mains posées sur mes cuisses, ses doigts s'enfonçant dans ma chair.


Il me manque. Même quand il est présent, il me manque. Quand il est absent, il me manque. Quand je respire, il me manque. Quand je le regarde, il me manque. Il ne fait que me manquer. Je suis coquillage, creux, vide. Je résonne de néant. Je ne vis plus, je suis en apnée, et les bulles s'engouffrent dans mes poumons. J'ai froid, il fait si terne, si gris, si nuage. Je m'enfonce dans la terre friande du désert.

Ses lèvres sont mon havre. Je m'y pends comme à une bouée de sauvetage. J'ai froid. J'ai chaud. Je fonds contre un coeur rose bonbon.


" Je veux rester."

" Je croyais que tu voulais partir."

" C'est parce que je suis bête. Je ne sais pas accepter le bonheur."

" Et ça a changé?"

" Non, je suis toujours bête, j'ai juste arrêté de m'écouter."


" Pourquoi est ce que tu as peur du bonheur?"

" Je ne sais pas si c'est du bonheur que j'ai peur. Je pense que je me suis fait une fausse idée de la liberté, une fausse idée de la sécurité, et que je m'y suis accroché au point où mes ongles y sont restés enfoncés, coincés dans un marbre écaillé. Je me suis laissé croire que c'était tout ce que je pouvais accepter, que rien d'autre ne marcherait, que rien d'autre ne serait plausible, acceptable, réalisable."

" Donc... Peur de te caser?"

" Non, ça restreint trop ce que je ressens. Peur de mourir avec toi— peur de mourir sans toi. Peur d'être détruit, peur de détruire, peur de niquer le monde et le reste. Peur de te tuer. Peur de perdre l'essence même du bonheur."

" Beaucoup de peur contre un bonheur fragile. Pourquoi a-t-il gagné?"

" Il a gagné parce qu'avec toi je gagnerai toujours."

" Ça pue l'amour."

" Tais-toi."

" Mmh. Raconte moi l'amour."

" L'amour c'est trop. Trop et pas assez. L'amour c'est bleu et doré et grandiose. L'amour c'est l'or, le bronze. L'amour c'est les vagues de l'océan. L'amour c'est tsunami. L'amour c'est noir comme le néant et grand comme les galaxies. L'amour c'est Univers. L'amour c'est nuages—tonnerres. L'amour c'est tremblement de terre."

" Je fais trembler ta terre?"

" Tu fais m'ouvrir ma Terre. Bientôt les plaques tectoniques vont se briser, laissant place à une vague rubis qui engloutira le Monde."

" Dis moi à quoi tu penses."

" Je pense à toi. Nous. Notre histoire si bancale que personne ne pourrait suivre. Notre histoire ronde et rude et destructrice. Notre histoire rouge rubis. Notre histoire électrique. Nous."

" C'est tout?"

" C'est tout."

" Je ne comprends pas la nuance."

" Tu es mon tout, Achille. Tu l'as toujours été."


Les bougies font danser leurs flammes sur les murs. Il danse près de moi, son coeur se balance comme sur une corde. Nos mains sont liées comme de la cire séchée.

" Je t'aime. Je t'aime, mon coeur. Je t'aime plus que je ne peux l'expliquer. Est-ce-que ça suffit?"

" Je pense que ça suffira toujours."

AchilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant