Juin - 8

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Il règne dans le gymnase un bruit parfaitement assourdissant. On y déplace des chaises et des tables, installe des décorations en rapport avec notre maison, dépose des prix et autres rubans pour les élèves les plus honorables. C'est le branle-bas de combat et je me sens soudainement coupable de ne pas m'être rappelé plus tôt cette réunion. Je suis peut-être quelque peu insolent lorsque je suis face à un professeur, mais j'aime m'investir dans la vie de l'école et particulièrement dans le ménage, que je trouve fort important pour une bonne hygiène.

Je vais donc me choisir un siège dans l'espace réservé à ma maison et je remonte mes manches. On m'alpague rapidement lorsque l'on remarque que je souhaite aider et on me donne des banderoles à accrocher sur les murs.

— Il y a normalement quelqu'un qui est parti en chercher dans une des réserves. Prends le premier couloir et tourne ensuite à droite, m'indique Heather Robertson, la présidente du conseil des élèves.

Elle arbore des cheveux lavande, aujourd'hui attachés en une queue de cheval stylisée.

— Merci.

Je suis donc ses indications, malgré un sens de l'orientation plus que discutable. Je tombe d'abord sur une porte fermée à double tour, puis sur une cachette pour deux élèves ayant besoin de discrétion. Au bout de la troisième fois, je trouve enfin cette réserve aux banderoles. La lumière y est allumée et une table est dressée en son centre. Une personne, de dos, semble s'affairer sur quelque chose.

— Franchement, ils pourraient renouveler le stock de décorations, vu le prix que coûte la scolarité ici. Ça ne serait pas du luxe.

Je ne sais pas si je reconnais d'abord la voix, l'intonation ou simplement la chevelure blonde que l'on empoigne par grands brins. Mais je ne peux réellement pas m'empêcher de laisser échapper une onomatopée.

— Hn.

Surpris, Valentin se retourne vers moi, armé d'une paire de ciseaux à bouts ronds. J'esquisse un rire en mettant la main devant ma bouche.

— Tu pourrais t'annoncer, enfoiré.

— Je ne voulais pas manquer l'opportunité de te faire peur. J'ai eu entièrement raison, la tête que tu m'as offerte en valait la peine. Totalement la peine.

Je m'attendais à un rire de sa part et à une nouvelle insulte, mais il ne fait que me fixer, le regard brouillé. Ne le connaissant pas encore bien, je ne parviens pas à le lire correctement. Si j'avais pu, j'aurais pu prévoir la déflagration qui explose sur moi après ma réplique.

— Franchement, t'es qu'un enfoiré. Et je ne dis pas ça dans le vent, je le pense vraiment. Je sais même pas pourquoi tu es mon ami, si tu peux pas me dire de trucs gentils. J'ai pas du tout envie d'avoir de girouettes dans ma vie.

— Crois-tu que je suis là pour ta petite personne ? l'interrogé-je, en penchant la tête d'un côté.

— Bah ouais, je sais pas, tu me cherchais peut-être parce que je n'ai pas fait le chemin avec toi ce matin. T'es aussi ouvert qu'une porte de prison en kevlar, c'est impossible de lire en toi.

La remarque est quelque peu douloureuse, mais je m'y attendais. Parce que toutes les histoires dans lesquelles je m'engage finissent ainsi. Je ne m'investis pas assez et on me le reproche.

— Mon monde ne tourne pas autour de toi. Je suis ici pour participer aux décorations du gymnase. On m'a conduit dans cette salle.

— Comme si ça t'intéressait.

Cette fois-ci, je fronce les sourcils, la colère montant en moi.

— Tu ne me connais pas. Tu ne peux pas établir des généralités sur ma personnalité.

— Ne fais pas genre, Eliot. Tu réponds aux profs, tu prends plaisir à être viré de cours. Et tu veux me faire croire que tu t'intéresses à la décoration du gymnase ?

— Oui. Je désire le bien de ma maison.

Il me toise de haut en bas et souffle entre ses dents, comme un serpent. Je n'ai même plus le droit à ses mots. Soit. Je le contourne, en jetant un œil sur sa besogne, et attrape un carton de décorations et autres banderoles. Je repars ensuite vers la salle principale, sans le moindre regard vers lui. Je crois que notre amitié a été vaincue dans cette même salle. 

Ciel d'été [BxB]Where stories live. Discover now