Décembre - 10

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C'est...petit, mais c'est nécessaire, parce que ce n'est pas très facile à écrire, croyez-moi. La prochaine est déjà en cours.

J'ai les yeux vissés sur le plafond et la première idée qui me vient est que ma serre me manque. Les couleurs ont beau être belles, je me sens vide sans le ciel. Je me sens vide tout court.

- Eliot ? Tu es réveillé ?

- Je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit.

Valentin bouge dans le lit, se retournant vers moi. Il darde ses yeux particulièrement bleus sur moi, et attrape ma main sous la couverture.

- Je suis désolé. Est-ce que je t'ai dérangé ? Est-ce que j'ai ronflé ?

Il tente de me faire rire et la démarche est réellement mignonne. Mais elle ne fonctionne pas le moins du monde. Mon visage ne se déride pas, et mon coeur ne se réchauffe pas. Je suis un véritable glaçon.

- Non, ne t'inquiète pas. Ce sont mes pensées qui m'ont tenu éveillé, pas mon voisin de couche.

- Mon voisin de couche ? T'as été gober un livre des années cinquante pendant que je dormais ?

Encore une tentative. Tentative avortée.

- Je suis désolé, termine-t-il. Je ne devrais pas me moquer de toi. J'ai simplement envie de voir ton beau sourire sur tes lèvres en te faisant rire.

- Je comprends tes intentions et elles sont tout à fait louables. Mais je ne parviens pas à changer d'expression faciale.

- Tu es toujours dans le vide ?

- Je n'en ai pas l'impression. Par contre, le silence est là. Partout autour de moi.

Paradoxal, va-t-il me dire. Parce que nous sommes en train de parler, que nous entendons du bruit dans la cuisine - sans doute Walter qui s'affaire pour le petit-déjeuner - et que la rue est tout aussi éveillée que nous. Mais le silence est là. Réellement là.

- D'accord. Alors, on va faire quelque chose.

Il me roule à moitié dessus afin de sortir du lit en toute agilité et se dirige vers son bureau tout en bazar. Il jure en français, avant de dénicher un casque jaune, ainsi que son téléphone portable. Il revient vers moi, mais se baisse subitement, pour chercher une nouvelle chose dans le tiroir sous moi - que je n'avais pas remarqué jusqu'à présent. Il continue à jurer, ce qui, encore une fois, m'aurait fait rire en temps normal.

- Ah, la voilà !

Il dépose quelque chose contre le lit, et s'assied, en prenant garde de ne pas m'écraser. Il sourit tendrement, comme si sa bonne humeur pouvait me briser.

- Tu vas mettre ça sur tes oreilles. J'ai tout un tas de chansons pour tous les gouts. Des calmes, des énergiques, j'ai même un groupe qui risque fortement de te plaire. Tu chercheras à Sleeping at Last. Je tiens ces musiques de quelqu'un à qui je tiens beaucoup et qui m'a particulièrement bien aidé lorsque tu n'étais pas là. Ensuite, tu as Archibald, mon homard en peluche.

Il me colle une bête franchement étrange entre les mains, et reprend ses explications.

- C'est un cadeau de mon cousin, quand on était gosses. Tu ne peux pas imaginer comment j'y tiens. Harold m'a toujours soutenu, dans les moments durs. C'est sûr qu'il n'a pas réussi à calmer ma peine quand mes parents sont morts, mais il a soigné le râteau que m'a mis Daisy quand on était en middle school, et les disputes avec Charles. C'est mon allié, et cet allié, je te le prête, pour qu'il devienne ton allié. C'est peut-être un peu gamin, mais c'est quelque chose que je peux faire pour toi. Et je vais aussi aller te chercher à manger, et te l'amener au lit.

- Je n'ai pas faim, ne gâche pas de la nourriture pour moi.

- Alors un café, un chocolat ou un thé ? Il faut que tu aies quelque chose dans le ventre, même si ce quelque chose est liquide.

- Un thé vert.

Je réponds à la manière d'un robot et je me sens horrible, alors qu'il fait tout pour que je passe le moment le plus agréable possible. Alors, avant qu'il ne s'en aille vers la cuisine, je lui attrape le bras, priant pour ne pas lui faire mal.

- Valentin ?

- Oui ? sourit-il de toutes ses forces.

- Merci d'être là pour moi. Merci de ne pas m'abandonner.

- Ah, bah, il s'avère que je t'aime. Et que prendre soin de quelqu'un qui nous apporte, ce n'est pas à sens unique. Ce n'est pas parce que je ne vais pas très bien que je ne peux pas t'aider.

- Je ne veux pas être néfaste pour toi.

Il sourit. Me caresse les cheveux. Il est si doux, comme si j'étais de la porcelaine.

- Tu ne l'es pas. Je sais ce que tu traverses, parce que je suis également sur ce chemin tortueux. Toi, c'est la première fois que tu l'empruntes, moi je le connais par coeur et j'essaie de m'en dépêtrer. Je peux te comprendre, tu sais. Alors, n'hésites pas si tu veux me parler. Et je peux même faire autre chose pour t'aider.

Je place mes yeux dans les siens, tentant de deviner quelle est cette chose. Mais la fatigue et mon état d'éteint ne facilitent pas les choses, bien au contraire.

- Qu'elle est-elle ?

- Demander à ma psy si elle pourrait te conseiller quelqu'un. Quelqu'un qui pourrait t'écouter, te conseiller, mieux que moi. Quelqu'un au fait de la question du racisme. Est-ce que tu veux que je fasse ça ? Je ne te garantis rien, mais je peux tenter le truc.

- Oui. Je veux bien.

Un sourire. Je sens qu'il a envie de m'embrasser, mais il ne fera rien sans mon autorisation. Il a parfaitement conscience que je suis complètement ailleurs et qu'un contact aussi poussé qu'un baiser me demanderait bien trop d'énergie. Alors il continue à me caresser la tête et les joues, en me souriant comme j'aime tant. Mon coeur réagit lentement, avec une petite pique. J'ai envie de lui sourire, réellement envie, mais je n'y parviens pas.

- Dors, mon doux amoureux. T'as l'air de vouloir fermer les yeux depuis tout à l'heure. Ne te préoccupe pas de moi.

Alors je l'écoute et je ferme les paupières, la douce voix du chanteur de Coldplay dans les oreilles.

***

Lorsque je me réveille, un bol de thé est non loin de moi. Le casque a glissé de mes oreilles, mais j'entends toujours la musique, toute douce. J'attrape le téléphone qui a glissé entre les couvertures dans lesquelles je suis toujours allongé, et regarde le nom de la chanson.

Touch, par Sleeping At Last, le fameux groupe dont m'a parlé Valentin. Je replace le tout sur mes oreilles, et écoute plus attentivement les paroles. Les paroles me touchent en plein coeur, particulièrement ces quelques lignes.

rain or shine, i don't feel a thing, just some information upon my skin. i miss the subtle aches when the weather changed, the barometric pressure we always blamed.

C'est l'explication exacte de ce que je ressens. Ou ne ressens pas, justement. Je me lève d'un bond du lit, sors de la chambre et cours vers la cuisine. Je ne regarde pas la table, seule la fenêtre donnant sur la terrasse m'intéresse. Je l'ouvre en grand et laisse le vent entrer dans la pièce. Il ne souffle pas uniquement mon t-shirt mais toute ma personne. Et, je le ressens. Je le ressens jusqu'au plus profond de moi, sur chacun des pores de ma peau.

Et le ciel, le ciel, le ciel. Le ciel est là, plein et complet. Le ciel ne me quitte pas. Il est bleu, comme dans ces photos retouchées que l'on trouve partout sur internet. Mais là, rien n'est faux. Tout est tellement réel que mes yeux en pleurent.

- Eliot ? Ça va ?

La voix de Valentin. Je m'envole encore plus, je me sens plus léger. Je ressens tellement de choses que je pourrais exploser.

- Je ne me suis jamais senti plus vivant qu'à cet instant.

Je perçois un bruit de chaise que l'on renverse. Quelques secondes plus tard, une pression sur la main blessée. Des doigts qui s'enfilent dans les miens. Une respiration. Des yeux dans les miens.

- Alors soyons vivants ensemble.

Ciel d'été [BxB]Where stories live. Discover now