Octobre - 6 / TW

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TW : Suicide, Cicatrices


Ce matin, ce n'est pas un réveil comme tous les autres. Parce que ce matin, c'est exactement la même chose que cette nuit : j'ai les yeux grands ouverts, les pupilles qui sont douloureuses au possible et le sommeil qui me fuit par la grande porte. Parce que mon téléphone affiche la date du dix octobre et qu'aujourd'hui, c'est mon anniversaire.

Je n'ai prévenu personne : mon psy, qui est aussi mon oncle, doit avoir oublié - et ça m'étonnerait qu'il ait lu mon dossier, où cette date est inscrite. Walter, toujours en déplacement je ne sais où, ne doit encore une fois ne pas avoir assez de réseau pour me parler ou m'envoyer un petit message. Quant à Eliot, je me suis bien gardé de le lui dire. Je me doute qu'il sera déçu que je n'ai rien fait, mais tant pis. Je n'ai pas envie de célébrer le jour de ma naissance alors qu'il y a quelques jours, j'étais dans la cascade, le rouge autour de moi. Seule peut-être Daisy va m'envoyer un message. J'ai demandé à mon petit ami de la prévenir discrètement du pourquoi du comment de mon absence en ce deuxième mois après la rentrée. Mais pour l'instant, elle n'est pas encore passée. Je la comprends, les hôpitaux, ce n'est pas le meilleur endroit au monde.

J'essaie de lire pour me fatiguer et dormir pendant l'heure qu'il me reste avant que le psy n'entre dans ma chambre pour me demander comment je vais, et m'apporter le seul repas de la journée qui n'est pas dégueu - j'ai le droit à un bol de céréales au chocolat, comme les cuillères ne sont pas dangereuses pour moi. Mais lire des mots français ne m'aide pas, bien au contraire. Dans chacun des vers de Lamartine, je vois ma mère, son grande sourire, ses cheveux blonds alors qu'elle a des origines brésiliennes - si on la compare à la mère de Charles, on a du mal à comprendre qu'elles sont soeurs, toutes les deux, tant la différence est frappante. Je pense à ma maman, assise sur le canapé à lire, une couverture sur les genoux, une tasse de thé vert en main, comme elle ne supporte pas les feuilles noires. En lisant de la poésie, j'ai juste envie de pleurer.

Je fixe donc mon téléphone portable en espérant que les minutes passent plus vite et que je puisse enfin avaler quelque chose. Le goût revient tout doucement en moi, je sens légèrement le chocolat sur ma langue. Et puis, on m'a donné une infirmière super sympa, qui vient de finir ses études, ce qui fait qu'elle n'est pas très vieille, contrairement à celle qui m'a apporté ma nourriture, le premier jour. Mais surtout, elle ne me juge pas du tout, elle ne fixe pas mes cicatrices comme si elles étaient brillantes ou que sais-je encore. Elle ne fait que son travail, avec le sourire aux lèvres.

Pendant la demi-heure qui me reste, j'écoute un peu de musique, en aléatoire. Je tombe sur The Sound of Silence, et pour une fois, je la laisse s'écouler doucement. Parce que c'est vrai, je suis dans le silence. Et il faut que je l'accepte, surtout aujourd'hui.

- Bonjour Valentin, comment avez-vous dormi ? commence le psy en ouvrant ma porte.

- Je n'ai pas dormi. L'univers a décidé de me rendre encore plus loque que les autres jours, spécialement aujourd'hui.

- Pourquoi avez-vous cette impression ? continue-t-il en s'asseyant sur la chaise qu'il occupe depuis le début du mois.

- Parce que c'est mon anniversaire aujourd'hui. Vous voyez l'univers, cet être cruel qui ne m'a pas laissé mourir tranquillement, veut me faire du mal particulièrement en ce jour du dix octobre, parce que justement, j'ai l'impression de ne pas pouvoir avoir tranquillement un an de plus. Je sais que ce raisonnement est tarabiscoté, mais j'ai une bonne excuse : je n'ai pas dormi.

- Vous n'êtes pas heureux de fêter votre anniversaire ?

- Sérieusement, vous me posez la question ? Vous êtes un peu nul, comme psy. Je n'ai pas envie d'avoir un an de plus et bien entendu, il est hors de question de le fêter. Ce sera une journée comme une autre. Et je vous interdis bien formellement d'en parler à Eliot lorsqu'il viendra aujourd'hui, après les cours. Le lundi, on quitte tôt.

Ciel d'été [BxB]Where stories live. Discover now