Novembre - 10

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(la Bretagne est un pays froid) (j'ai un peu pleuré, j'avoue)


Le silence. Le silence autour de moi est assourdissant. Il siffle, il souffle, il me fait perdre pied. Je manque de m'effondrer dans le couloir après avoir entendu une chose pareille. Je fixe Daisy, qui n'y est pour rien, qui joue le rôle de la messagère, et je m'enfuis. Je ne veux pas faire face à son regard plein de pitié, à ses explications bancales. Il n'y a pas d'explication à avoir. Il ne veut plus me voir, c'est aussi simple que cela.

La logique voudrait que j'aille le retrouver, que je lui dise tout ce que j'ai sur le cœur - en commençant par des excuses franches et sincères - pour régler cette situation au plus vite. Mais je ne ferais pas cela. Certes, ça me motive, mais ça me motive à m'occuper de ma famille en premier lieu. Et maintenant que Daisy est faite, il faut que je m'attaque à Callahan. Et que j'arrête de fuir comme ce stupide animal. De toute manière, le sol sous les pieds est dur et je finirais par m'en cogner la tête.

***

Comme tous les soirs, je me rends à la boutique de fleurs de la famille. Je prends réellement plaisir à venir, et mes parents en oublient de me gronder pour mes devoirs - c'est donc un parfait bénéfice pour moi. J'aide souvent ma mère à faire les bouquets, je choisis les fleurs pour les clients et clientes et je colle mon plus beau sourire sur mes lèvres. Je ne me sens pas systématiquement hypocrite, ce qui est un bon point.

- Eliot, ton père demande expressément que tu sois dans la serre ce soir. Il veut que tu t'occupes des plantes avec ton frère. Je sais qu'en ce moment, c'est un peu froid entre vous, mais fais un petit effort, s'il te plaît.

- Je ne comptais pas me défiler, maman. Je m'y rends.

Elle sourit, comprenant parfaitement que je compte arranger les choses avec mon frère. C'est mieux si je peux faire d'une pierre, deux coups - écouter mon père par la même occasion et ne pas le décevoir. Comme tous les soirs, je vais donc déposer mes affaires dans le placard à balais où se trouvent les manteaux de toute ma famille, et attrape un tablier, ainsi qu'un arrosoir, au cas où j'en aurais besoin. Lorsque je pénètre dans la serre, mon père m'alpague immédiatement.

- Super, tu es là pile au bon moment, Eliot. Nous avons du retard sur la préparation des fleurs de Noël et j'ai besoin que vous mettiez ces poinsettias en pot, et que vous le décoriez comme vous voulez. Simplement, n'abusez pas sur les paillettes, les clients trouvent que ce n'est pas professionnel. Moi, il faut absolument que je me rende en banlieue. Une de nos serres a des problèmes. Je vous laisse sous la garde de votre mère, et on se retrouve tous au diner. Je compte sur vous les garçons.

Je hoche la tête et me retourne vers mon frère, qui est en train d'empiler des pots les uns sur les autres.

- Préfères-tu les remplir ou les décorer ? commencé-je, le cœur battant à grande vitesse dans ma poitrine.

- Il vaut mieux que je fasse le rempotage moi-même. Tu as beau être incroyablement intelligent, tu n'es pas un apprenti fleuriste comme moi.

- Je ne comptais pas outrepasser mes compétences ou me vanter Callahan. La décoration me convient tout à fait.

- Encore heureux.

Je sursaute au ton utilisé et me retourne vivement vers lui. Il est plus fermé que moi, ce qui m'indique que la partie est très loin d'être gagnée. Il a dépassé le stade du questionnement, il s'attaque directement aux petites piques. Cela ne me dérange pas, parce que j'estime avoir fait pire que lui.

- Veux-tu me dire quelque chose Callahan ?

- Oh, tu l'as deviné tout seul ? Bah dis donc, ce que tu es intelligent, Eliot !

Ciel d'été [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant