Septembre - 5

2.7K 349 208
                                    

Armés de blouses blanches, nous naviguons dans les couloirs du lycée. Valentin et moi sommes derrière, en bons cancres que l'on croit que nous sommes. Tout mon être me hurle de faire demi-tour, de me faire remarquer bien avant d'entrer dans la salle et ainsi me retrouver à la bibliothèque, afin de lire mes livres adorés. Valentin est dans le même état que moi, regardant ses pieds défiler sur le sol à petits carreaux. Il croise rapidement mon regard et nous nous comprenons sans nous parler. Arrêtant nos pas dans le couloir, nous nous cachons dans un recoin que le prof ne peut pas voir. Nous attendons que toute la troupe tourne, avant de nous diriger à grands pas vers la bibliothèque. Nous y entrons en riant, ce que Madame Fireworks remarque immédiatement.

- Ne me dites pas qu'ils vous ont mis dans la même classe ? demande-t-elle, remettant ses lunettes sur son nez

- Si, répond Valentin, un grand sourire ancré sur les lèvres. Ils ont eu cette excellente idée de nous mettre ensemble. Et là, on vient de s'échapper du cours de Monsieur Snate, en toute discrétion. On est même tranquille au niveau des absences, il a fait l'appel avant qu'on se dirige vers la salle de tous les malheurs. Deux heures de pure tranquillité s'offrent à nous.

Je le laisse aller s'installer dans notre coin - celui de la littérature étrangère - pour parler seul à seul avec Madame Fireworks.

- J'aimerais vous remercier. Parce que vous m'avez fait connaître le français et ses auteurs, et parce que vous m'avez en quelque sorte présenté à Valentin.

- Je suis bien heureuse que tu aies un ami avec qui tu partages la passion de la littérature. Cela me fait plaisir à voir.

Je hoche la tête. Ce mot me semble si étrange, désormais. Le blond est bien plus qu'un ami, bien plus que cette définition que j'avais tant de mal à accepter au mois de juillet, dans ma chambre. Mais je ne contredis pas la bibliothécaire et je souris en m'éloignant d'elle. Après cette discussion, je vais rejoindre Valentin à la table où il s'est installé. Il a déposé deux gros volumes sur sa surface et m'attend. Lorsque je vais me placer en face de lui, il fait glisser vers moi l'un d'eux. Tout bas pour ne pas déranger les autres, il m'explique ses agissements.

- C'est mon recueil de poésie préféré. Je te promets de lire entièrement les Fleurs du Mal si toi, tu regardes celui-ci.

Je me penche sur le titre, à moitié effacé sur la couverture de cuir. C'est en français, assurément.

- Les Contemplations, de Victor Hugo. Je ne le connais que de nom, je ne l'ai jamais lu.

- Tu prétends aimer la poésie, mais tu n'as jamais lu Victor Hugo ? Mais d'où est-ce que tu sors ? Franchement, ceux où il parle de sa fille décédée ressemblent drôlement à ceux de Baudelaire, dans la partie du Spleen. Ca ne m'étonnerait pas que tu aimes. Moi, personnellement, je préfère ses romans.

- Ses romans ? demandé-je, curieux.

- Oui. Ma mère m'a dit, quand elle m'a donné Les Misérables, que ses élèves en France n'accrochaient pas, et qu'elle avait encore moins d'espoir avec les britannique. Mais moi, j'ai voulu m'y frotter, parce que je n'ai pas peur d'une suite de mots.

- Je te fais confiance là-dessus.

J'ouvre doucement le volume, dont les coutures semblent souffrir le martyre et je commence ma lecture. Je saute certains poèmes dont je ne comprends même pas le titre - j'ai honte de l'avouer, surtout devant Valentin. C'est extrêmement dur à lire, si bien qu'au bout de deux heures, je n'ai terminé que dix pages. Étrangement, la sonnerie s'annonce comme une libération. Je souffle un peu trop bruyamment en refermant le volume, ce que le blond remarque.

Ciel d'été [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant