Novembre - 3

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Une petite musique qui va drôlement bien avec ce chapitre (encore une fois oui)

La poésie utilisée dans ce chapitre provient du recueil des Fleurs du Mal, de Charles Baudelaire. Le poème en question est le quatrième Spleen, le plus connu.


En général, je ne suis pas quelqu'un qui se laisse dominer par ses émotions. Je suis plutôt réputé pour calme, que ce soit lorsque j'écoute un cours - qui n'est pas ennuyant ou bourré de fautes - ou lorsque je suis chez moi. Mon frère me répète bien souvent que c'est l'une de mes qualités premières, avec ma patience.

Mais depuis deux mois, je semble dépassé par tout ce qui me traverse. La preuve en est de mon coup d'éclat avec mes parents, en octobre. En temps normal, je n'aurais jamais fait une chose pareille. J'aurais été bien plus subtil, j'aurais trouvé un moyen d'être bien plus subtile. De faire croire à mon père que je m'inscrivais à Cambridge alors que je partais plutôt pour la France. J'aurais déménagé en secret et une fois là-haut, je l'aurais prévenu. Un plan parfait pour quelqu'un comme moi.

C'est pour cette raison, à cause de cette pensée, que je ne suis pas surpris du fait que je rentre à la maison en claquant la porte derrière moi, ce qui fait sursauter mon frère sur le sofa, et renverser le soda qu'il boit. Il me lance un regard noir, avant de changer radicalement de tête.

- Qu'est-ce que tu fais là aussi tôt Eliot ? T'étais pas avec les parents ? Ah moins que...me dis pas que t'y es pas allé. Tu sais que papa va être furieux ce soir.

- J'y suis allé. Et je me suis fait virer parce que tu comprends, avec ma tête d'enterrement, je fais peur aux clients. Et lorsqu'on m'a envoyé dans la serre, j'ai cassé un pot en terre cuite parce que j'ai shooté dedans sans le faire exprès, parce que, je cite, j'ai la tête ailleurs. Il a beaucoup été question de ma tête aujourd'hui, comme tu peux le remarquer.

- T'es sarcastique. C'est que ça va pas.

- Sans blague Einstein ? hurlé-je en écartant les bras en l'air.

- Tu perds ton vocabulaire, c'est une alerte.

- Je me perds tout court Callahan ! Je sais plus où j'en suis ! Je sais plus rien ! continué-je sur le même ton.

Mon changement d'attitude fait se lever mon frère de sa place et se diriger vers moi. Il me prend par les épaules, m'oblige à le regarder dans les yeux. Je remarque ses cernes marqués, ce qui me ramène à la discussion que j'ai eue avec Daisy sur le toit. Peut-être a-t-elle raison : je dois penser à moi et c'est pour cette raison que je suis lentement en train d'exploser.

- Petit frère, qu'est-ce qui se passe ? Explique-moi, pose-toi cinq minutes avec moi. Tu sais que je t'écoute et que je ne te jugerais pas.

J'essaie de reprendre ma respiration, de ne pas fondre en larmes dans les bras de mon frère. Mais je suis plutôt mauvais sur cet exercice et il est presque obligé de me ramasser, à la manière d'une petite cuillère. J'ai envie de me rouler en boule et qu'on me console. Mais le plus étrange dans cette exposition de sentiments, c'est que je ne comprends pas pourquoi je pleure.

- 'liot, respire. Respire doucement. Regarde-moi dans les yeux. Tout va bien se passer.

Je renifle, j'enlève mes lunettes pour les essuyer et je prends une grande respiration.

- J'ai l'impression que je suis dans une grande marre, et que je ne sais plus nager, que je patauge avec la méthode petit chien. J'ai l'impression qu'au moindre faux mouvement, je peux me noyer.

- C'est l'impression qui t'a prise quand tu t'es mis à hurler il y a quelques minutes ?

- Oui.

- Est-ce qu'il s'est passé quelque chose dans ta journée ? Quelque chose qui aurait été la goutte d'eau faisant déborder le vase ?

Ciel d'été [BxB]حيث تعيش القصص. اكتشف الآن