Novembre - 9

1.8K 260 167
                                    

Après cette journée riche en événements, le temps semble s'étirer comme un caramel que l'on fabriquerait dans une confiserie. J'ai l'impression que novembre est décidé à prendre son temps, à ne pas laisser facilement sa place à décembre. Je n'avance pas, je fais du sur place. Et je déteste cette posture, je déteste être aussi impuissant face aux situations que je crée.

À la maison, j'évite mon propre frère, à qui je suis incapable de parler. Mon père ne s'adresse à moi que pour me demander si je trouve ce bouquet réussi ou si ces fleurs sentent bon - je ne me plains pas, il est le dernier sur ma liste de discussion, je lui laisse du temps. Mais, à ma grande joie, j'ai retrouvé ma mère. Elle agit parfaitement normalement avec moi et je suis tellement heureux que je ne cesse de lui sourire à chaque fois que je la vois. Nous discutons le soir, autour d'une tisane. Et aujourd'hui, en cette mi-novembre, elle me pose la question que je t'attendais impatiemment.

- Est-ce que tu es amoureux, Eliot ?

Je bois avec lenteur mon mélange de feuilles et d'eau et la fixe, les yeux luisants non seulement à cause de mes lentilles, mais également par un sentiment de puissance.

- Oui. Je pensais que tu avais compris, maman.

Elle sourit en plaçant une main sur le dessin de sa mâchoire. Ses pupilles sont traversées par le même sentiment que les miennes.

- Tu nous l'as annoncé tellement rapidement, tellement durement que je n'étais pas sûre. Il y avait beaucoup d'informations en même temps. C'est pour cela que je te l'ai redemandé dans le calme de cette soirée. Et aussi parce que je suis une maman très curieuse.

- Cela ne m'étonne pas. Nous sommes similaires. Nous avons la même façon de fonctionner.

- Puis-je t'avouer quelque chose ?

Elle sourit d'autant plus en me posant cette question.

- Oui, bien sûr.

- J'avais deviné. Je pense que je savais même avant toi. En juillet, lorsqu'il est venu ici, et que vous avez joué ensemble, que vous avez dansé notre danse familiale. Ça se voyait au fond de tes pupilles, dans ton sourire aussi. Et lui aussi, dans un certain sens.

- Comment ?... manqué-je de m'étrangler. Alors pourquoi me l'as-tu demandé si tu le savais ? Pourquoi as-tu réagi si vivement lorsque je l'ai annoncé, au mois d'octobre ?

Elle baisse la tête, perdant son sourire. Je m'en veux, mais j'ai besoin de réponses. De véritables réponses.

- J'étais triste Eliot. J'étais triste, parce que tu as tout gardé pour toi. J'étais triste, parce que je croyais que tu n'avais plus confiance en moi. J'étais blessée en ma qualité de maman. Je sais bien que tout le monde a des secrets et que l'on ne peut pas tout se dire. Mais je croyais que lorsque tu tomberais amoureux, tu irais voir ta vieille mère pour en discuter, pour demander des conseils et pour me décrire cette personne qui t'a volé ton cœur.

- Et si je n'étais jamais tombé amoureux, maman ? Qu'est-ce que tu aurais fait ? Tu aurais été déçue ?

- Non... bien sûr que non... mais ce n'est pas la question Eliot, parce que tu me l'as dit toi-même. Tu es amoureux.

- Oui, mais je suis amoureux d'un garçon. Pas d'une fille. Je ne suis pas Callahan. Ce n'est pas facile à dire. Essaie de comprendre ça, s'il te plaît.

- Tu as peur de moi ?

Je saisis la tasse à pleine main, le cœur battant dans mes tempes.

- J'ai peur de tout le monde, maman. Ce garçon dans le magasin, il y a deux semaines, je l'ai admiré. Je l'ai vraiment admiré. Parce que je suis un inconnu, parce que je suis dans la même école que lui. Et il m'a dit la vérité. Il n'a pas dit que c'était pour sa petite amie. Moi, je ne suis pas capable de faire ça, pas avec des inconnus à qui j'ai parlé deux minutes.

Ciel d'été [BxB]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora