Novembre - 6

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Depuis que Valentin est à l'hôpital, je fais le chemin menant à l'école avec Daisy. Nous nous sommes rapidement rendu compte que nous en avions besoin, afin de ne pas être seuls et de ne pas culpabiliser à chaque pas effectué. Cela nous a permis de nous rapprocher, mais également de propager des rumeurs sur notre compte, rumeurs que nous voulons tous les deux étouffer, pour notre bien.

Je n'ai pas prévenu mon accompagnateur et mon accompagnatrice de la présence de l'autre, à notre point de rendez-vous habituel, devant le magasin d'habits colorés venant d'Espagne. Je dirais sans doute que j'étais bien trop fatigué pour faire quoi que ce soit ce matin, manquant même de m'endormir dans mon bol de céréales. Cela a surpris ma mère, qui semble de plus en plus inquiète de mon état.

- Tes cernes sont de plus en plus creusés, Eliot, m'avait-elle dit ce matin. Est-ce que tu dors bien en ce moment ?

- Non, je ne cesse de faire des insomnies. Et hier soir, j'avais particulièrement froid, alors je suis allé prendre une douche bien chaude pour tenter de me détendre et de m'endormir plus confortablement. Cela n'a pas été très efficace.

Je préfère prévoir une histoire de sortie au cas où l'on me poserait des questions sur le bruit que l'on a pu entendre hier soir, lorsque Valentin était là.

- Je vais prendre rendez-vous chez notre médecin de famille. Je veux que tu discutes avec lui. Il pourra peut-être t'aider, te donner des conseils pour que tu réussisses à mieux t'endormir.

Je connais la raison de mon insomnie, pensé-je en arrivant devant la boutique de vêtements. C'est la situation, le grand bouillon dans lequel je me trouve depuis deux mois. Je suis même assez surpris que mon corps ne m'ait pas lâché plus tôt. Mais peut-être qu'on me conseillera une tisane ou des huiles essentielles pour m'aider à m'endormir. Ou même un médicament qui me coupe de mes pensées, ris-je en levant les yeux vers le ciel, une fois posté devant la vitrine, comme tous les matins. Lorsque mes pupilles brunes touchent sa couleur étrangement grise, je fronce les sourcils de dépit. J'aurais bien besoin de sa belle couleur bleue aujourd'hui, pour qu'elle m'encourage, qu'elle me donne de l'espoir, dont j'ai désespérément besoin.

Mais depuis mon rêve de l'autre jour, j'ai simplement l'impression que le ciel n'est plus mon ami. Il est simplement un étranger pour moi, comme tous les autres êtres humains de cette planète. J'ai le sentiment profond d'avoir perdu un ami très cher et mon cœur ne s'en retrouve que meurtri plus encore.

- Alors Eliot, t'es encore perdu la tête en l'air ? Reviens plutôt sur Terre, tu ne devineras jamais qui j'ai croisé dans le bus.

La voix aiguë de Daisy me connecte à nouveau avec la réalité. J'entends à nouveau les bruits des voitures, celui des passants et de la clochette d'entrée de la boutique, juste derrière nous. Et j'entends le salut de Valentin, qui me sourit faussement. Il avait raison, hier soir. C'est dur de faire comme si de rien n'était.

- Je suis sûre que t'étais au courant, petit cachotier ! me charrie-t-elle avec un coup dans l'épaule. Vous avez monté ce petit coup tous les deux, hein ?

Elle semble si enjouée que cela m'attriste déjà de devoir lui avouer la vérité. Mais il le faut pour le bien de notre petit groupe. Et pour notre anxiété générale, à Valentin et moi.

- Non, je ne l'ai appris qu'hier soir. Te souviens-tu de notre discussion sur le toit Daisy ?

- Celle où je te disais de prendre une pause parce que tu allais finir par imploser ? Ça y est, t'as arrêté de faire ta tête de mule et tu m'as écoutée ?

Je pourrais sourire à l'expression utilisée, mais la situation ne s'y prête pas. Devant moi, Valentin est toujours silencieux et ne me lâche pas des yeux. Je pense qu'il attend que je dise quelque chose, que je lâche le couperet.

Ciel d'été [BxB]Tahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon