Septembre - 4

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Le vent fouette mon visage, je frissonne et je me dis que j'aurais dû prendre mon manteau en plus de ma veste d'uniforme, ce matin. La brise si soudaine fait voler les mots des paragraphes, ainsi que les feuilles de prunier qui viennent s'échouer dans mes cheveux, sur ma chemise et entre les pages de mon livre. Mais, malgré la météo et la nature qui semblent être contre moi, je ne bouge pas de ma place sur les gradins du lycée. J'ai promis à Valentin d'être présent et je le suis. Les tests ont déjà commencé et je ne lâche pas mon petit-ami des yeux. Ils doivent faire le tour du stade dans un temps donné - hurlé même, puisque je l'ai entendu de ma place - par l'entraîneur, un homme de petite taille aux traits sévères.

Lorsque c'est enfin à Valentin de courir, je m'approche de la piste, séparée des gradins par une barrière d'acier froid. J'abandonne mes affaires et je m'appuie sur elle. Valentin passe comme un coup de vent près de moi et malgré mon envie de l'encourager, aucun son ne sort de ma bouche. Je reste bloqué, presque tétanisé à ma place, enserrant la barrière de mes deux mains. Je sens les muscles de mes poignets se tendre et trembler, comme si j'avais fait un effort incommensurable.

Valentin est incroyablement rapide et finit son tour sans que je ne m'en rende compte. Je le vois, de loin, aller demander son temps à l'entraîneur, qui ne lâche pas son chronomètre. J'imagine ses yeux écarquillés comme jamais, en faisant sans doute trop comme les acteurs de séries de seconde zone. Soudain, Valentin explose de joie et se met à sauter comme s'il était habité par l'esprit d'un kangourou. Il vient rapidement me rejoindre, et m'attrape les épaules, qu'il serre de toutes ses forces.

- J'ai été pris Eliot, j'ai été pris. Tu te rends compte ? J'ai été pris !

Il passe la barre en sautant par-dessus. Je remarque alors le gigantesque sourire inscrit sur ses lèvres, qui disparaît peu à peu, sans que je n'en comprenne la raison.

- Bah, tu ne dis rien ? T'es pas content ?

- Bien sûr que oui que je suis heureux pour toi, je lui réponds, souriant.

- Ça se voit pas.

Je lève les sourcils, surpris. Je suis réellement ravi pour lui, mais apparemment, je ne le montre pas assez. Soit. Je le prends par les poignets, en essayant de ne pas trop le serrer sur ses bracelets éponges. Il grimace légèrement mais se laisse guider vers les gradins. Je passe derrière, dans un endroit à l'abris des regards. Je m'appuie contre une barre de fer qui me vrille le dos et je colle mon doigt sur ma joue, pour prévenir le blond. Il m'imite et je me rapproche, faisant pour la première fois le mouvement décisif. Je m'applique dans ce baiser, pour lui montrer toute ma fierté, toute ma joie. Il gémit contre ma bouche, approfondit la chose en respirant fort.

- D'accord, d'accord, j'ai compris. J'en demandais pas tant, tu sais, glisse-t-il en posant son front contre le mien.

- J'en avais envie. De plus, c'est une véritable catastrophe, à chaque fois que je suis proche de toi, je désire l'être plus encore.

- Un jour, faudrait que tu t'entendes Eliot. Tu dis de ces phrases, quand même.

Il respire toujours aussi fort, les joues et toute la figure rouges. J'ai encore envie de l'embrasser, mais il se recule d'un coup, la tête baissée. Je glapis de frustration.

- Faut qu'on s'arrête, sinon on risque de partir...loin. Et en plus, on doit aller voir Monsieur Pinkpanth pour nous inscrire au festival sportif.

- Pinkpanth ? Cela ne s'invente pas, comme nom de famille, ris-je, en remettant ma chemise en place.

- Et encore, t'as pas tout vu. C'est un phénomène, ce prof. C'est bon, t'es présentable ?

Je hoche la tête et nous nous dirigeons vers le stade, côte à côte, comme si rien ne s'était passé. Valentin passe les barrières entourant les pistes en sautant par dessus, comme quelques minutes plus tôt. Ne trouvant pas de portes proches, je fais de même, sous ses yeux ébahis.

Ciel d'été [BxB]Where stories live. Discover now