Novembre - 5/TW

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Le poème utilisé dans ce chapitre est non pas de Baudelaire, mais de Victor Hugo. Il se nomme Crépuscules et est issu du recueil des Contemplations. Il fut également l'un des textes du corpus du bac de français de deux mille quatorze pour les sections scientifiques et économiques (c'est d'ailleurs comme ça que je l'ai découvert). Le poème n'est pas entier, j'ai sélectionné quelques bouts qui collaient avec le reste du texte.


TW : Mutilation, cicatrices

- Que fais-tu ici ?

J'ai les yeux plantés dans ceux de Valentin, qui me fixe également. Nous sommes sous la pluie, je ne parviens pas à le deviner parfaitement, à cause de l'eau sur les verres de mes lunettes. Je ne suis pas sûr que je ne rêve plus. Doucement, je me pince la peau du bras droit, la technique que j'utilise pour me réveiller.

- Désolé, tu n'es pas en plein cauchemar. Je suis bien devant toi. Et je ne partirais pas tant que cette fichue pluie ne se sera pas calmée.

Il vient se cacher sous le toit, dans ce tout petit écart qui est plus ou moins à l'abri. Et il continue à me fixer, les bras croisés sur son pull mouillé.

- Tu ne m'expliques toujours pas ce que tu fais ici, repris-je, venant me placer non loin de lui.

- Et toi ? Tu es le mec le plus frileux que je connaisse, et tu trouves que la pluie est un objet embêtant quand tu observes le ciel. Quoique, toi, tu es plutôt journée que nuit. Donc, ça n'explique pas grand-chose. Et puis, tu dis des choses étranges. Franchement, c'est un peu une habitude en ce moment. Faudrait que tu te manges à nouveau un dictionnaire Eliot, ça ne va plus ce vocabulaire qui s'enfuit par la grande porte.

- Es-tu là pour me faire des reproches ? Si c'est le cas, je te demanderais de bien vouloir repartir, tu es sur la propriété de ma famille et tu y es entré sans autorisation.

- Tu serais prêt à me virer parce que je fais un peu de sarcasme ? Bah dis donc, je suis une vraiment une merde à tes yeux, c'en est presque effrayant.

Il commence à repartir vers le portail qu'il a dû sauter pour éviter qu'on l'entende. Il a de la chance que mes voisins n'aient pas appelé la police. Ils en seraient capables. Mais rapidement, je le saisis par le haut du bras - je préfère éviter les poignets pour une raison évidente - ce qui le fait se retourner vers moi. Je comprends que c'est à moi de parler.

- Je veux juste une explication de ta présence ici. Et je ne veux pas te laisser repartir sous la pluie, c'est dangereux. Est-ce que... tu veux rentrer te sécher ?

Je sais que je suis gonflé de demander des explications, puisque je n'en ai pas fourni une seule sur mon comportement d'hier. Je remarque que la réplique acerbe démange mon vis-à-vis et je le devance.

- Je te promets que je t'expliquerais tout ce qui me traverse en ce moment. Je peux même commencer, si tu le souhaites.

- Nan, c'est moi qui me pointe ici sans préavis, je vais commencer. Et non merci, j'ai pas envie d'entrer. Ça serait trop bizarre, et je ne veux pas aggraver la situation avec ta famille. J'imagine qu'ils ne seraient pas très heureux de me voir ici, comme si de rien n'était.

- Je ne veux pas que tu attrapes froid.

- C'est le dernier de mes soucis, si tu savais. M'enfin bref.

Il se détache de moi, tout en touchant tout doucement ma main dans le processus. Je sens les fourmis picoter dans mes doigts, et essaie de ne rien laisser paraître. Il reprend rapidement sa position précédente, contre la vitre de la serre. Il fixe les haies des voisins.

Ciel d'été [BxB]Where stories live. Discover now