Chapter 90

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Ce chapitre sera bien plus long que prévu, mais je me refusais de le couper encore une fois.

Il ne sera plus chargé en émotions, enfin, pas autant que les derniers chapitres éprouvants que je vous ai infligés dernièrement.

Ce chapitre-ci, j'y ai mis tout mon cœur et quelque chose me dit que, même s'il est plus « plat » sur certains passages, vous l'aimerez.

N'hésitez pas à me le dire, si je m'étais trompée... ;)

Après l'altercation qu'il y a eue entre ma tante et moi, je me suis précipitée sous ma douche et je suis partie me coucher. Je n'avais plus envie de discuter, plus envie de voir personne, simplement ruminer ma peine en paix, seule.

J'ai refusé de descendre pour me présenter à table, ce soir-là. Finalement, j'ai mangé dans la chambre du rez-de-chaussée, sur mon bureau. Cela me faisait du bien d'être là, en tête-à-tête avec mon portrait de famille.

Mon père, ma mère, moi, bébé Leif... Nous souriions tous, même Lawrence. Que nous est-il arrivé ? Comment peut-on laisser s'écrouler une famille entière, un destin prestigieux pour ne devenir qu'une bande de personnes esseulées et tristes ? Depuis combien de temps, déjà, n'avions-nous pas entendu de véritables rires dans ce manoir ? Ça y est, je broie du noir, autant que lorsque j'ai compris que Klaus, lui non plus, ne reviendrait plus jamais à la maison.

Baron me consolait dans ces sombres moments de torpeur, qui me reste-t-il à présent ? Pourquoi mon esprit est en train de me répondre, malgré moi ? Sherlock... Foutaises ! Il ne connaît rien des sentiments humains, que peut-il m'apporter pour alléger ma peine ?

Je repousse mon plat, y ayant à peine touché. Je n'ai pas faim. Sur le bureau, trône ce foutu collier, collier qui n'ornera plus jamais une encolure. Je caresse délicatement la médaille en forme d'os de la pulpe de mes doigts : Baron... Les larmes me montent aux yeux, simplement en lisant ce nom dans ma tête.

J'étais prête à laisser éclater ma tristesse quand on frappe à la porte. Je renifle brièvement, chassant les perles salées qui commençaient à sortir de mes yeux et accorde enfin à la personne d'entrer. Je vois Quentin, avec la desserte pour emporter mon plat.

— Je vois que vous n'avez rien mangé, décrète-t-il en reprenant l'assiette presque intacte.

— Je n'ai pas faim.

— J'avais anticipé cette réponse, dit-il en posant un autre plat.

C'est un bol, plus petit, plus simple. Il est fumant. L'odeur, malgré moi, me fait saliver. Quelle bassesse, Quentin, m'amadouer de la sorte...

— Bouillon de poulet et vermicelles, s'explique le valet. Il me restait de quoi en concocter un peu. Je me suis dit que vous vous laisseriez plus facilement tenté. Mangez donc un peu.

Il me tend la cuillère pour que je m'en empare. Je la saisis, le dévisage longuement, mais il ne baisse pas les yeux : il ne quittera pas les lieux tant que je n'aurais pas goûté. Évidemment, je vais devoir céder.

Ce bouillon est simple, vous en avez sans doute tous mangés, d'une façon ou d'une autre. L'aspect nourrissant et chaud de ce plat réchauffe les cœurs malades, mais aussi les cœurs tristes. Dieu sait à quel point mon cœur est triste, en ce moment.

Quand je suis revenue m'installer ici après mon accident, Quentin me servait ce breuvage au moins une fois par semaine. C'était le jour que j'attendais toujours avec impatience. Quentin prépare toujours tout lui-même, cela se sent dans le bol : je n'en perdais jamais la moindre goutte.

Une colocataire irascibleWhere stories live. Discover now