Chapter 11

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Ma canne dans la main gauche, mon colocataire à ma droite, nous déambulons dans la ville baignée dans la clarté de la lune. L'un comme l'autre, nous ne sommes pas bavards. Seulement, le calme est salvateur quand vient la nuit et qu'on a passé une soirée plus bruyante. J'aime beaucoup entendre nos pas sur les pavés...

En fait, j'adorerais pouvoir parler... Lui parler... Mais pour dire quoi ? Heureusement, c'est Sherlock qui brise le silence.

– Hakan ?

– Oui ?

– Pourquoi... Lise ? demande-t-il brièvement avant de reprendre, A demandé que vous vous installiez ici ?

– Lizzy, je le corrige avec un pâle sourire, Hé bien, pour me rapprocher de ma famille et de l'entreprise. Le siège central étant maintenant partagé entre Bruxelles et Londres...

– Non, non, pas ça. Pourquoi Baker Street ? Vous pouviez vous installer partout ailleurs dans Londres avec vos finances exorbitantes.

– Elles ne sont pas si astronomiques que ça. (regards suspects mutuels avant que je ne reprenne) D'accord, on ne manque de rien, mais bon... Vous le sauriez si je mentais n'est-ce pas ?

– C'est plus que probable.

– Alors autant être sincère. En vérité, je n'en avais pas envie. Depuis l'accident qui a tué papa et Klaus, je suis restée chez moi. Et très honnêtement, je ne voulais pas partir. Le souci, quand on vit dans les murs qui vous rappelle sans cesse des souvenirs, c'est qu'ils finissent par vous emprisonner. Si je n'acceptais pas cette cohabitation, on m'aurait imposé une autre idée, de toute manière. Nous avions déjà abordé ce sujet tous ensemble avant que Leif ne parte à l'université, je savais ce qui m'attendait, en un sens. Autant céder une bataille avant de tomber sur des alternatives bien pires, selon moi.

– On vous a forcée à vous rendre ici, résume-t-il... C'est donc pour cela.

Il semble perdu dans ses réflexions. Pourquoi ai-je l'impression d'avoir dit quelque chose de mal.

– Qu'est-ce que vous supposez dans votre coin ? je demande enfin.

– Vos balades nocturnes sont dues à votre ennui. Vous vous échappez de la sorte le soir pour éviter d'être enfermée, comme vous l'étiez avant de venir ici.

– Je ne vous suis pas.

– Vous vous ennuyez tout autant ici, d'agace-t-il. C'est pourtant simple.

– Mais non ! Je m'irrite, Je vous croyais beaucoup plus intelligent que cela, tiens !

Pourquoi cette remarque me fruste ? Bonne question. Sans doute mon refus constant d'avoir tort. Là non plus, ma tête ne me contrôle plus, je passe mon bras libre autour du sien. Je sais, les contacts physiques sont ma bête noire : les seuls qui le peuvent sont Lizzy et Leif. Néanmoins, dans ce cas précis, cela ne me dérange nullement. Il l'a constaté, parce que c'est avec étonnement qu'il me fixe, mais je ne me débine pas et je poursuis. Il va voir si je m'ennuie, l'anglais aux remarques intempestives !

– Je n'ai jamais dit ni prétendu un seul instant que je m'ennuyais ici.

– On vous a forcé la main... commence-t-il.

– Et je n'ai jamais émis le moindre regret depuis ce jour, je le coupe.

Cette conversation, bien que sans émotion apparente (j'insiste sur le "apparente") sonne comme l'heure des confidences. Le détective attend que je m'apaise avant de relancer la conversation.

– Vous ne cherchez pas d'autre logement, constate-t-il, Vous comptez toujours rester à Londres ou vous espérez secrètement rentrer chez vous ?

Une colocataire irascibleWhere stories live. Discover now