Chapter 8

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Je n'ai pas vraiment quitté ma chambre le reste de la journée. Rester en compagnie du détective me chamboule la tête comme un jeu de quilles. Je descends pour manger, boire, un autre truc évident (oh, ça va, il faut que les choses se fassent) et c'est tout.

Pour le reste, j'ai travaillé sur les deux aspects sur lesquels vont se dérouler l'entretien d'admission. Le premier retrace mon parcours professionnel : mes études, mon orientation, mon expérience. Ce côté-là ne devrait pas poser de problème avec mon nom de famille placardé sous leurs yeux, mais je préfère me préparer au cas où.

Ce qui coince, c'est la partie privée. Ils veulent que je parle de moi, de mes passions, mes ambitions. Je ne parle même pas de moi à mon colocataire ! Il a dû tout deviné seul (et heureusement sinon il ne me connaîtrait pas du tout). En plus, vous me voyez dire que je bidouille chez moi à longueur de journée, que je ne sors que quand c'est nécessaire ? Vraiment, parler de moi c'est aussi déstabilisant que... que Sherlock lui-même.

John a décidé de partir, non sans être venu me saluer avant de quitter l'appartement. Je pensais aller me coucher tout de suite après, mais il m'a subitement pris l'envie de prendre l'air.

Je n'ai même pas pris ma veste. Il fait frais, mais ça ne me dérange pas. Ma canne claque le sol frénétiquement, car oui, elle, je l'ai emportée. On ne sait jamais sur qui je pourrais tomber quand la nuit tombe. J'ai rejoint la Tamise et longé la rive pendant un long, très long moment. J'avais besoin de réfléchir un peu, marcher m'aide bien à faire le point sur tout ce qui me trouble : cet entretien, le hacking à la boîte, mon frère trop fuyant... Mais surtout une chose que je ne parviens pas à expliquer. Je me sens étrange en compagnie du jeune détective : particulièrement quand nous étions seuls, la première soirée que j'ai passé en sa présence. Puis, tous les moments où nous nous sommes retrouvés seuls. Que je ne parvienne pas à expliquer cette sensation me rend amère. Il est bien 23 heures quand je décide de revenir sur mes pas.

Une fois dans Baker Street, une drôle de surprise m'attend. Sherlock est sur le perron et me guette. Je monte les quelques marches qui nous séparent en contemplant le sol.

– Vous avez oublié votre manteau, dit-il en le plaçant sur mes épaules. Je voulais m'assurer que vous reviendriez sans hypothermie.

– Je m'apprêtais à rentrer, cela n'a plus d'importance.

Je n'ose pas lever les yeux, je peux le sentir sourire avec son regard bienveillant, c'est perturbant. Tantôt indifférent, tantôt protecteur... Il avance sa main vers mon visage, mais je recule, il retient son geste. Je me sens obligée de me justifier.

– Je n'aime pas beaucoup d'être touchée... Je ne peux pas, c'est comme ça.

– Je sais. Cela m'a juste échappé.

– Ah oui, j'oubliais, vous savez tout.

Le jeune homme rit doucement et avance à nouveau la main, je ferme les yeux. Il place délicatement le dos de celle-ci sur ma joue. Je n'ai pas mal, je me sens plutôt bien, je regrette même qu'il ôte ses doigts aussi vite.

– Vous êtes glacée. Heureusement, j'ai prévu du thé.

Sans même rien ajouté de plus, il entre dans l'appartement et je me contente de le suivre. Je ronchonne en le suivant : il sait tout, il prévoit tout... Il m'énerve Monsieur Parfait là !

C'est seulement une fois installée devant une tasse fumante que je retrouve l'usage de la parole et que je me détends un peu plus. Encore une fois, il avait raison : je grelotte.

– Sherlock ?

Bref gémissement intéressé de sa part.

– Comment... comment vous saviez ? Je veux dire... le manque de contact.

Une colocataire irascibleWhere stories live. Discover now