Chapter 22

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Derrière la porte d'entrée, j'entends des petits pas se presser pour ouvrir la porte. Quand elle s'ouvre, c'est un cri enthousiaste qui m'accueille. Cela est plus que réconfortant.

– Bonjour, miss Hakan ! s'exclame la petite.

– Bonjour Rosie. Pas de «miss » avec moi, tu le sais n'est-ce pas ? dis-je en forçant un sourire.

Elle hoche la tête, ravie de ma présence. D'ordinaire, les enfants m'évitent et réciproquement. Il n'y a rien de pire qu'un môme qui pleure, tout le monde sera d'accord là-dessus, même ceux qui les aiment. La petite fille est vite rattrapée par Molly qui arrive en trombe dans l'entrée.

– Rosie, n'ouvre pas la porte sans que je sois là, s'il te plaît. Tu ne dois pas faire entrer les inconnus dans la maison.

– Mais c'est pas un inconnu, c'est Hakan, proteste l'enfant.

– Intelligente et perspicace, je lâche à demi-mots.

– Si tu allais jouer dans le salon ? Se résigne la légiste.

Elle acquiesce et nous quitte alors que je suis invitée à suivre mon ancienne nounou dans la cuisine. Une fois face à face, nous nous toisons : deux femmes blessées l'une par l'autre qui se contemplent, comparant leurs blessures de guerre. Non, j'exagère à peine ! Elle transpire la rancune, ça se voit !

– C'est joli ici, dis-je pour calmer le jeu.

– C'est calme, tranche-t-elle.

– Oui, aussi. Au fait, comment dois-je vous appeler maintenant ? Avant, on devait vous appeler miss Molly devant mon père, mais Molly vous convenait très bien quand nous étions entre nous.

– J'aurais aimé que nous ne nous appelions plus du tout, à vrai dire. Mais mon prénom suffira.

Finalement, lancer une discussion cordiale pourrait se révéler une tâche ardue. Heureusement, c'est elle qui attaque le sujet la première.

– Venons-en au fait. Vous aviez quelque chose à me demander, je crois.

– Oui, en effet, je commence. En réalité, le 23 novembre se tient une réception pour l'entreprise...

– Le gala d'anniversaire de Selens Incorporation, me coupe-t-elle, Je me souviens.

– Celui-là même. Il se trouve que je suis à la recherche d'une... cavalière pour mon frère.

– Votre père sera présent ? demande-t-elle.

– Mon père ?

Je laisse ma surprise me trahir. Sa question est-elle sérieuse ? C'est une vaste blague n'est-ce pas ?

– Si Mr. Selens est présent, je ne peux pas faire cela, continue-t-elle. C'est au-dessus de mes forces.

– Vous... Vous ne le saviez pas ? je m'étonne. Mon père est décédé, il y presqu'un an maintenant.

Soudain, son attitude change, son regard devient plus doux. Oh non, c'est de la pitié ! S'il y a bien une chose que je hais plus que les enfants et les gens, ce sont leur yeux remplis de pitié.

– En effet, dit-elle enfin, je suppose que je ne lis plus assez la presse et que cette information m'a échappée. Je suis navrée pour vous deux.

– Ne dites pas cela. On a grandi sans lui depuis bien longtemps. Son absence s'est juste intensifiée maintenant.

Il y a un nouveau silence, mais je perçois moins de tension que lors de mon arrivée. Comme si apprendre la mort de Lawrence Selens changeait toute l'animosité qu'il y avait en elle. Pour ma part, je me sens un peu plus détendue.

Une colocataire irascibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant