Chapter 95

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Bonjour/ Bonsoir !

Pour comprendre un peu le pourquoi de la vidéo, il s'agit de ce que Hakan est censé chanter comme une dératée dans la scène qui va suivre.

Bonne lecture et ne vous moquez pas trop : je vous rappelle qu'elle vous entend ! ;)


En regardant ces images de moi bravant retenue et timidité, c'est difficile d'admettre qu'il ne s'agit pas de quelqu'un d'autre. Je porte bien un costume, mais ce sont mes yeux clairs et perçants, mes pommettes marquées et mes traits tranchants qui sont sur ce document numérique. C'est bien moi qui ri, c'est bien moi qui m'amuse, pas une doublure, pas une tierce personne, non ! C'est moi.

— C'est difficile à croire, marmonne mon colocataire comme s'il avait deviné mes pensées.

— Je dois avouer que je ne me rappelle tous les détails de cette soirée, j'admets.

— Compte sur moi pour te les rappeler, se met à me charrier Leif. JE ne te ferrai plus jamais comme cela, je crois.

— Si tu entends par là qu'elle doit abuser de l'alcool pour se détendre et s'enlever le balai qu'elle a dans... commence ma cousine.

— Lizzy ! Je la coupe sans cacher à quel point je suis outrée. Un peu de tenue, par pitié !

Je me tourne à nouveau vers mon cadet pour lui répondre.

— Darling, si je dois sombrer dans l'alcoolisme pour être détendue, je préfère encore un shoot de morphine.

Finalement, l'ambiance s'allège en se concentrant devant le morceau de film où on me voit clairement me dandiner allègrement dans le bureau de mon père. Déjà, à ce moment-là, je n'avais plus besoin de canne. Pourtant, celle-ci était toujours greffée à mon poignet, ou dans la paume de ma main. Encore aujourd'hui, il m'est difficile de faire sans.

Je ne suis pas sotte, je sais ce que les gens pensent ou disent de moi quand je ne suis pas là ou, simplement, quand je leur tourne le dos. Ils parlent de ce que j'ai eu, des séquelles de mes bêtises d'enfant, de cette foutue prothèse qui évolue peut-être, mais qui restera toute ma vie. Ils parlent aussi de cette canne dont je me pare tel un bijou... Notez que je ne les blâmerai pas pour la comparaison, c'est bel et bien un artisan ébéniste et joaillier qui s'affaire à la conception de mes cannes. Non, ce qui me chiffonne, c'est ceux qui affirment que je parade avec cette troisième jambe de bois pour susciter la pitié (ou la sympathie, en fonction du degré d'acidité du venin que l'on crache à mon sujet) ou pour me donner un style.

Certes, quand je m'habille pour aller travailler, que je porte mes plus beaux costumes, je choisis le bois qui ira à merveille avec le vêtement, je ne suis pas dénuée de tout sens de l'esthétisme, tout de même. Cependant, je ne peux pas laisser croire que c'est uniquement de la coquetterie. Une canne est un outil et non pas un objet ostentatoire qui va m'apporter plus de crédit. Que tous ceux qui pensent encore cela de moi aillent sauter dans la Tamise avec un climatiseur accroché à la cheville. Je m'en porterai bien mieux que de rétablir systématiquement la vérité.

Finalement, la vidéo est un peu plus longue que je ne le pensais. L'extrait a jusqu'à mon imitation de mon père, où je reprends les phrases fétiches de ce dernier.

— Je ne t'avais jamais entendu chanter, note John à mon égard quand la projection s'achève.

— Tu étais bien le seul, je rétorque. Même Rosie m'a déjà entendue fredonner. C'est même assez courant, mais pas faux comme cela !

Une colocataire irascibleTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon